Indemnisez-moi !

Fawzia Zouria

Publié le 12 septembre 2012 Lecture : 2 minutes.

Ces derniers temps, un mot s’invite dans toutes les conversations : indemnisation. Le sujet est récurrent, les raisons de l’évoquer, variées. Les Arméniens réclament toujours réparation, les ex-indigènes refusent d’effacer l’ardoise des méfaits de la colonisation, les Sud-Africains, eux, en sont encore à se débattre dans les litiges des terres spoliées, etc.

Et voici que surgissent d’autres dossiers. Les Sud-Coréens exigent aujourd’hui des Japonais le dédommagement des « femmes de réconfort » contraintes jadis de se prostituer pour leur armée, et l’aciériste sud-coréen Posco vient de débourser 10 milliards de wons (7 millions d’euros) au profit de ses compatriotes réduits au travail forcé entre 1910 et 1945. Sur ce, des esprits bien rusés se sont mis à réclamer des biens plus anciennement dérobés. Certains Grecs envisagent, paraît-il, d’exiger des compensations pour leur apport philosophique au monde entier. Ils ne voient pas pourquoi les Merkel et consorts rechignent à leur accorder un prêt qui ne serait qu’un juste retour pour les trésors mis à disposition par Platon et Cie. Les Israéliens ont failli quant à eux remonter jusqu’à Noé, mais ils se sont arrêtés au VIIe siècle, chez les Arabo-Musulmans, afin de réclamer réparation pour les torts infligés aux Hébreux depuis l’arrivée de l’islam. Voilà qui va faire plaisir à tous les Arabes qui considéraient les Juifs comme des compatriotes ayant toujours vécu parmi eux et « mangé de leur sel et de leur pain », selon l’expression locale consacrée…

la suite après cette publicité

Mais mon propos n’est pas de trancher entre ceux qui pensent que les Juifs ont bel et bien été spoliés et leurs contradicteurs persuadés que l’État d’Israël devrait commencer par indemniser les Palestiniens de toute une patrie. Je ne me formaliserai pas non plus de la réaction saoudienne à la demande israélienne et ne bougerai pas le petit doigt si l’on mettait des scellés sur leurs puits de pétrole. Moi, je regarde d’abord du côté du Maghreb. Et je guette l’arrivée des huissiers en kippa. J’ai quelque espoir pour les Marocains, ils trouveront des alliés parmi les Israélites natifs du royaume qui les défendront devant les instances internationales chargées du dossier. Je ne me fais pas de soucis non plus pour les Algériens : ils ont déjà conseillé à l’État juif d’aller se faire rembourser chez les Français !* Reste les Tunisiens. Pauvres d’eux ! Ils sont déjà appelés à mettre la main à la poche pour rembourser à coups de milliards les ministres et autres prisonniers de Ben Ali et de Bourguiba. Que leur restera-t-il si les Israéliens s’y mettent aussi ? De plus, cette histoire d’indemnisation donne des idées à toute la Tunisie : les spoliés de la colonisation, les martyrs du mouvement national, les paysans victimes de la politique des coopératives, les diplômés-chômeurs ayant payé en vain pour leurs études, et jusqu’à certains émigrés – comme votre humble serviteur – qui commencent à se demander s’ils n’ont pas à exiger, eux aussi, des compensations pour leur départ de leur pays d’origine. Pour quel motif ? Va bien falloir que j’en trouve un si je veux me faire indemniser moi aussi !

* juron algérien

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires