RDC : la nostalgie Mobutu

Le 7 septembre 1997, l’ex-président du Zaïre décédait à Rabat, au Maroc, loin des siens. Cette mort en exil était l’épilogue d’une lente agonie. Aujourd’hui, le jugement des Congolais oscille entre indulgence, regret d’un orgueil perdu et souvenir cauchemardesque d’une dictature à bout de souffle.

En juin 1983, à Lubumbashi © Pascal MAITRE/J.A.

En juin 1983, à Lubumbashi © Pascal MAITRE/J.A.

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Publié le 20 septembre 2012 Lecture : 2 minutes.

Le maréchal-président du Congo-Zaïre Joseph-Désiré Mobutu, en juin 1983, à Lubumbashi. © Pascal Maitre pour J.A.
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RDC : la nostalgie Mobutu

Il y a 50 ans, le 24 novembre 1965, le général Joseph-Désiré Mobutu, à la tête de l’armée, s’emparait du pouvoir en renversant le premier président de l’ex-Congo belge, Joseph Kasa-Vubu. Près de trente-deux ans plus tard, le 7 septembre 1997, l’ex-président du Zaïre décédait à Rabat, au Maroc, loin des siens. Aujourd’hui, le jugement des Congolais oscille entre indulgence, regret d’un orgueil perdu et souvenir cauchemardesque d’une dictature à bout de souffle. Un dossier paru en 2012 dans Jeune Afrique.

Sommaire

Quinze années déjà que sa dépouille, rongée par le cancer, s’en est allée reposer au fond d’une sépulture d’exil à Rabat, au Maroc. Quinze années pendant lesquelles son ombre, sa toque, ses lunettes fumées, sa canne sculptée, sa gestuelle et sa voix métallique n’auront cessé de hanter ses concitoyens. Beaucoup de Congolais ont avec celui qui les dirigea de 1965 à 1997 une relation qui s’apparente au syndrome de Stockholm. Il fut leur dictateur, mais ils ont fini, après sa disparition, par tout (ou presque) lui pardonner. De Mobutu, ils ont effacé l’image d’un homme assimilé dans le monde à l’archétype de la mal-gouvernance à l’africaine. Ils ont oublié le chaos sécuritaire des dix dernières années de son règne, la corruption, l’asphyxie économique, l’article 15, la police politique, les disparitions, l’agonie d’un pays saigné à blanc, pour ne retenir qu’une seule chose : la nostalgie d’un orgueil perdu.

Et il est vrai qu’au cours des décennies 1970 et 1980, à l’époque de l’« authenticité » et du boom du cuivre, de l’abacost et des pagnes obligatoires, de la rumba triomphante et des exploits des Léopards, les Zaïrois avaient la conviction de vivre dans un grand pays courtisé, différent des autres, dont le chef d’État savait s’imposer par sa seule présence lors des sommets internationaux. À eux que la colonisation avait infantilisés, Mobutu avait su donner une estime de soi, une manière d’être et de vivre, un soin à paraître reconnaissables entre tous. Il avait su cimenter le sentiment national en les faisant rêver sur leur richesse potentielle, lui qui martelait à longueur de discours que le Zaïre était un « scandale géologique ».

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Indulgence

Bien sûr, tout cela n’était qu’un mirage, car l’éléphant aux pieds d’argile, dépecé de l’intérieur par cette catastrophe que fut la zaïrianisation, ne pouvait que s’effondrer, à l’image d’une armée de parade qui ne gagna aucune guerre mais dont le maréchal était si fier, avec ses Mirage et ses C-130 aux ventres aussi rebondis que ceux de ses généraux. De ces temps d’illusion, où il était permis de croire que l’on pouvait gagner sa vie sans travailler en multipliant les « coups » en haut comme en bas de l’échelle sociale, est pourtant née une identité qui a jusqu’ici résisté à la destruction de l’État.

De Mobutu à Kabila père, le Zaïre devenu Congo est passé de la captation de l’usufruit au bradage des actifs, sans que cesse la prédation mais sans que s’interrompe non plus le fil d’un rêve de grandeur que seul Mobutu avait donné l’impression de tutoyer. Constamment déçus de ce qu’ils sont, les Congolais vivent dans le rêve de ce qu’ils pourraient être. Griot cathodique, kitsch et mystique, un certain Sakombi Inongo l’avait bien compris, lui qui imagina de faire apparaître l’effigie subliminale du dernier « dinosaure » chaque soir en ouverture du journal télévisé, perché dans les nuages tel Dieu en son paradis. Nul doute que pour panser leur peine, entretenir leur don unique pour la survie et croire en leur revanche sur le destin, les Congolais aiment qu’on les berce d’espoir. C’est pour cela que, en dépit de tout, ils ont fini par regretter Mobutu, le magicien.

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