Les esthètes du Mali

Fouad Laroui © DR

Publié le 6 septembre 2012 Lecture : 2 minutes.

Depuis deux semaines, la musique est interdite dans le nord du Mali. Les islamistes qui y ont pris le pouvoir justifient leur décision en accusant le Diable lui-même d’être derrière le grand complot ziziqueux.

Soyons clair : ils ont raison. Après Debussy, à la limite depuis Ravel et certainement au cours du dernier demi-siècle, la musique est vraiment devenue l’oeuvre du démon. Alors qu’avec Bach l’harmonie et le contrepoint avaient atteint une perfection proprement divine, alors que Mozart et Schubert pouvaient émouvoir les anges, tout va de mal en pis depuis Elvis, la variété et la musique pop. L’abomination de la désolation a été atteinte avec l’invention du disco dans les années 1970 et – horreur – de la house music. Boum, boum, boum ! Ce qui passe aujourd’hui pour de la musique, ce n’est qu’un tintamarre, le tohu-bohu de l’Antéchrist, un vrai sabbat de sorcières. D’ailleurs, à propos de sorcières, cette Madonna au nom antithétique qui a perfectionné le jet de petite culotte dans la foule en délire (c’est de la musique, ça ?), ne ressemble-t-elle pas étrangement à une Carabosse peroxydée ?

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Nous sommes donc en présence, au Mali, d’esthètes particulièrement exigeants qui dénoncent à juste titre le n’importe quoi postmoderne. Bravo !

On comprend alors pourquoi ils démolissent méthodiquement la ville de Tombouctou. Ils ont raison. Tout ce qui n’est pas construit avec le nombre d’or et selon les trois règles de Vitruve ne mérite pas de rester debout. Les architectes postmodernes qui nous ont donné les monstruosités de Las Vegas ou de Dubaï n’ont pas intérêt à venir faire joujou dans les bacs à sable du nord du Mali. On les assommera à coups de massue gravée du hadith bien connu : « Une maison doit être forte, utile et belle. » Non, mais !

Quant à la peinture, il est évident que tout ce qui a été fait après Raphaël et Léonard ne vaut pas un clou. Comme on ne dispose pas de chefs-d’oeuvre de la Renaissance italienne à Tombouctou, autant interdire la peinture tout uniment. Par ici, les tubes de couleur ! Autodafé ! Même chose pour la littérature. Il faut être Chateaubriand ou rien. Donc rien. Confiscation générale des crayons, des plumes et des gommes.

Il faut admirer l’intégrité artistique de ces va-nu-pieds droits dans leurs crottes. Enfin ! Enfin, des experts incorruptibles se dressent pour clamer : « Halte à l’imposture postmoderne ! » On ne peut qu’applaudir des deux mains (ou de celle qui reste après application de la charia). 

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