Cinéma : un « Ambassadeur » en eau trouble
Du Michael Moore pour le sérieux, du Borat pour l’absurde… Mads Brügger entend dénoncer les pratiques inavouables des diplomates en poste en Afrique. Pas très convaincant.
Clichés à la pelle, humour vaseux, personnages loufoques… La bande-annonce de The Ambassador, film danois retraçant les pérégrinations d’un diplomate véreux en Centrafrique, rappelle immédiatement l’univers de l’acteur-humoriste britannique Sacha Baron Cohen. Mais il y a une différence fondamentale avec les aventures américaines de Borat, le faux reporter kazakh antisémite : celles de « Son Excellence » Mads Brügger (réalisateur et acteur principal) sont bien réelles.
Ce film danois a pour l’instant été diffusé en Europe du Nord et lors de festivals. Il faisait déjà grand bruit avant sa sortie aux États-Unis, le 29 août. Car il entend lever le voile sur les pratiques inavouables des diplomates en poste en Afrique. Pour cela, le journaliste, présentateur d’une émission d’entretiens à la télévision danoise, jette son dévolu sur la Centrafrique, un « territoire sans lois », assure-t-il, « où une petite élite politique passe le plus clair de son temps dans des activités criminelles ».
Mais c’est du Liberia que sont venues les réactions les plus virulentes. La présidente Ellen Johnson-Sirleaf a même réclamé l’extradition du Danois pour le juger : il est parvenu à obtenir, grâce à un intermédiaire néerlandais et quelque 150 000 dollars (120 000 euros), le titre de consul du Liberia à Bangui. Son passeport diplomatique, qui n’était pas tout à fait en règle, comme il s’en rendra compte plus tard, va lui permettre de passer deux mois et demi sur les rives de l’Oubangui à la recherche de diamants d’origine douteuse, qu’il compte ensuite transporter dans sa valise inviolable.
Pendant ce séjour, il parvient à rencontrer quelques personnages clés, comme le ministre chargé de la Défense et fils du président, Jean Francis Bozizé. Mais ce « coup » accouche finalement d’une souris : sa conversation avec ce dernier se révèle sans grand intérêt. Comme Jean Francis Bozizé, tous les interlocuteurs de Mads Brügger sont filmés en caméra cachée. Les visages ne sont pas floutés. Personne ne semble se douter de la supercherie menée par ce faux diplomate libérien au physique de Viking. Le Danois n’en est pas à son coup d’essai : il avait déjà utilisé le même procédé en Corée du Nord, pour en tirer un film, The Red Chapel, en 2009.
Arrogance coloniale
Mais le comportement du consul du Liberia n’est pas sans susciter un certain malaise. Avec son style vestimentaire, à mi-chemin entre un uniforme de l’Afrikakorps et un costume de Karl Lagerfeld (bottes de cuir montantes, vestes cintrées et cravates pincées), il se laisse aller à des plaisanteries sur Adolf Hitler et distribue à tour de bras des « enveloppes » bien remplies à tous les officiels qu’il rencontre. « J’ai pensé qu’être exubérant pouvait constituer une stratégie de survie, a-t-il expliqué dans une interview. Essayer de se fondre dans le paysage, au contraire, éveille la méfiance. »
Cette argumentation peine toutefois à justifier les séquences où il se retrouve avec deux Pygmées. Celles-ci rappellent l’arrogance du colon (il prend place avec eux dans une barque sur le fleuve en tirant prétentieusement sur son fume-cigarette) quand elles ne sont pas simplement moqueuses (il leur fait ensuite écouter des chants de baleine tout en filmant en gros plan leurs regards vides).
Les provocations et les méthodes, pour le moins discutables, de Mads Brügger relèveraient du détail si le film faisait, par ailleurs, des révélations d’intérêt public. Or le contenu informatif est finalement assez décevant. La séquence la plus intéressante reste une conversation avec Guy-Jean Le Foll Yamandé, présenté comme le responsable de la sécurité d’État au moment du tournage (entre 2010 et 2011), qui accuse la France d’entretenir des rébellions pour empêcher le pays de se développer. Ce dernier n’est malheureusement plus là pour les commenter – il est décédé entre-temps dans des conditions mystérieuses -, et on regrette que l’auteur n’ait pas cherché à recouper ses informations.
The Ambassador, de Mads Brüger (sorti aux États-Unis le 29 août)
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