Yamina Benguigui : « Il faut changer de regard sur l’Afrique »

Après avoir hésité, François Hollande participera finalement au sommet de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), le 12 octobre, à Kinshasa. Sa ministre déléguée à la Francophonie s’en explique.

Yamina Benguigui au ministère de la Francophonie, le 28 août, à Paris. © Vincent Fournier/J.A.

Yamina Benguigui au ministère de la Francophonie, le 28 août, à Paris. © Vincent Fournier/J.A.

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Publié le 7 septembre 2012 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : Le président François Hollande se rendra au sommet de l’OIF à Kinshasa. Y étiez-vous favorable ?

YAMINA BENGUIGUI : Absolument. Avec Abdou Diouf [le secrétaire général de l’OIF, NDLR], nous avons longuement discuté de l’importance de tenir ce sommet en Afrique. Sa localisation a été décidée lors du sommet de Montreux, en 2010. La RDC est le plus grand pays francophone du monde. Les élections de 2011 y ont été contestées, mais validées par la communauté internationale. On ne pouvait pas pratiquer la politique de la chaise vide.

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En juillet, la France avait demandé au président Joseph Kabila des preuves de sa « réelle volonté de promouvoir la démocratie et l’État de droit ». Qu’en est-il ?

Le 22 août, Aubin Minaku, le président de l’Assemblée nationale, a annoncé deux lois importantes. D’abord, sur la Commission électorale nationale indépendante [Ceni], dont l’organisation, le fonctionnement et la composition du bureau seront revus. Ensuite, sur la mise en place d’une commission des droits de l’homme. Il a précisé que ces lois seraient adoptées avant le sommet. Ce sont là des engagements forts.

Des menaces de mort vous ont été adressées à propos de l’organisation de ce sommet. D’où venaient-elles ?

Je ne sais pas, elles étaient anonymes. Nous avons alerté le ministère de l’Intérieur, mais nous n’avons pas de nouveaux éléments pour l’instant. Je peux simplement dire qu’elles ont été proférées avant, pendant et après mon séjour à Kinshasa, fin juillet. Par e-mail et via Facebook.

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Lors de cette visite, vous avez déclaré que la France voulait « voir cesser tout soutien extérieur aux groupes armés » dans l’est du pays…

La RDC est un pays agressé. Dans l’Est, des femmes sont violées, des enfants et des jeunes femmes sont enrôlés de force. J’ai senti les Congolais tristes que la France ne prenne pas position. J’ai appelé le président ainsi que le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, et il y a eu cette intervention. Cela a été possible parce que j’ai passé quatre jours sur place.

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C’est mon souhait que l’Algérie entre dans l’OIF.

Ce sommet sera-t-il pour François Hollande l’occasion de prononcer un discours fondateur sur l’Afrique ?

Oui, je pense que le président tiendra un discours en rupture philosophique avec le gouvernement précédent. Tout n’est pas parfait sur le continent, c’est certain, mais c’est parce qu’il a hérité d’un système postcolonial, de la façon de voir et de se comporter de l’Occident. Nous devons changer notre regard sur lui.

Un déplacement de Hollande en Algérie avait été évoqué pour septembre. Est-il encore d’actualité ?

Nous continuons d’en discuter. Je me rends à Alger le 6 septembre pour préparer cette visite au niveau culturel. Le président ira avant la fin de l’année.

Vous avez des liens personnels avec ce pays qui n’est pas membre de l’OIF. Avez-vous pour objectif de l’y faire entrer ?

C’est mon souhait. L’Algérie peut enrichir l’espace francophone à tous les niveaux. Mais on ne peut effacer l’Histoire, je comprends qu’il n’en soit pas encore membre. Le précédent gouvernement français a été très maladroit. Nous devons à présent faire des gestes.

Quelle touche personnelle souhaitez-vous apporter à la Francophonie ?

Je veux promouvoir la place des femmes et faire que le français soit une langue créatrice, ouverte et dynamique. L’Afrique et les pays arabes ont été touchés par ma nomination en raison de mes combats, de ce que je représente et de mes origines. Cela facilite le dialogue. 

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Propos recueillis par Pierre Boisselet

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