Santé : qui a peur du syndrome thaï-taiwanais ?

Ses symptômes ressemblent à ceux du sida. Il aurait déjà fait plusieurs centaines de victimes exclusivement asiatiques. Mais on ne sait encore à peu près rien de lui.

Le Dr Sarah Browne avec une patiente vietnamienne, le 22 août, à Bethesda. © SIPA

Le Dr Sarah Browne avec une patiente vietnamienne, le 22 août, à Bethesda. © SIPA

Publié le 6 septembre 2012 Lecture : 2 minutes.

Depuis la publication le 23 août d’un article dans l’édition en ligne du New England Journal of Medicine, le syndrome thaï-taiwanais inquiète. On redoute l’apparition d’un « sida asiatique » susceptible de déferler sur le monde. Dernier-né des maladies émergentes, ce mystérieux fléau venu d’Asie serait en effet fatal dans la majorité des cas.

C’est une équipe de chercheurs thaïlandais, taïwanais et américains de l’Institut (américain, lui aussi) des allergies et maladies infectieuses (NIAID-NIH) qui, la première, a révélé l’existence de cette immunodéficience acquise dont les symptômes ressemblent à s’y méprendre à ceux du sida : affaiblissement du système immunitaire et apparition de maladies opportunistes. Le Dr Sarah Browne, du NIAID-NIH, et Peter Burbelo, du National Institute of Dental and Craniofacial Research, qui ont dirigé l’étude épidémiologique, évoquent plusieurs centaines de victimes depuis les premiers cas identifiés en 2004. Ils soupçonnent même le nouveau syndrome d’être à l’origine de milliers d’autres décès imputés jusqu’ici, à tort, à des tuberculoses foudroyantes.

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Les conclusions de l’étude clinique menée six mois durant sur un échantillon de 203 adultes âgés de 18 à 78 ans – tous d’origine asiatique, non porteurs du VIH et présentant des infections opportunistes multiples – mettent en évidence chez 88 % d’entre eux la présence d’autoanticorps bloquant la fonction de l’interféron gamma (IFN gamma), une molécule dont le rôle est capital pour lutter contre les infections. Autrement dit, l’organisme de ces patients détruit ses propres défenses.

Pour l’immunologiste français Christian Devaux, spécialiste des pathologies émergentes au Centre d’études d’agents pathogènes et biotechnologies pour la santé, à Montpellier, « une telle corrélation entre la pathologie et la distorsion du système immunitaire est troublante ». Les chercheurs vont donc à présent tenter d’identifier l’agent pathogène, connu ou inconnu, qui induit cette réaction ciblée anti-interféron. Christian Devaux n’exclut pas qu’il puisse s’agir d’un virus : « À ce stade, on ne sait rien : cela peut aussi bien être un virus qu’une bactérie ou un parasite. »

Mystère

L’origine de la nouvelle pathologie demeure mystérieuse. Selon Sarah Browne, l’environnement pourrait constituer un facteur important. Mais la génétique également, puisque, semble-t-il, seules les populations asiatiques, même exilées, sont atteintes. À ce jour, aucun Occidental vivant en Asie ne l’a été. Jamais, enfin, la maladie n’a touché plusieurs membres d’une même famille, ce qui exclut qu’un seul gène en soit responsable.

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Pour l’instant, l’absence de contamination directe entre êtres humains permet de repousser l’hypothèse d’une épidémie mondiale comparable à celle du sida, mais Christian Devaux se garde de toute conclusion hâtive. « Il n’y a pas de contagion directe, certes, mais cela ne signifie pas qu’elle ne se diffusera pas, explique-t-il. Il faut trouver le vecteur de transmission de l’agent pathogène. Les changements climatiques, l’évolution des écosystèmes, les migrations, le développement des transports aériens, la déforestation sont autant de facteurs qui contribuent à créer des situations nouvelles favorisant la propagation rapide des vecteurs. Nous pouvons avoir affaire à une puce, à une tique ou, comme dans le cas du chikungunya, à un moustique. » Pas de quoi s’affoler, cependant. Il faut savoir qu’un nouvel agent pathogène apparaît tous les dix mois. Et que, la plupart du temps, personne n’en parle !

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