Armée égyptienne : Abdel Fattah al-Sissi, inconnu au bataillon
Discret et réputé pour son professionnalisme, Abdel Fattah al-Sissi a succédé au très influent Hussein Tantawi à la tête de l’armée. Il est l’ancien patron des renseignements militaires et est réputé proche des Frères musulmans.
C’est un inconnu que les Égyptiens ont vu prêter serment devant le président Mohamed Morsi, le 12 août. Élégant dans son uniforme beige, le général Abdel Fattah al-Sissi a été nommé ce jour-là ministre de la Défense et de la Production militaire, succédant au maréchal Hussein Tantawi, de près de vingt ans son aîné, à la tête de l’armée.
Membre du Conseil suprême des forces armées (CSFA), l’ex-chef de la Direction des renseignements militaires (DRM), 58 ans, avait marqué les esprits après la révolution par ses propos critiques à l’égard de Moubarak. « Du temps de l’ancien dictateur, il avait été chargé de surveiller la situation interne du pays, parce que le maréchal Tantawi désapprouvait le plan de transmission de pouvoir à Gamal Moubarak et les politiques de privatisation de l’ancien régime », rappelle Tewfiq Aclimandos, professeur invité à la Sorbonne, qui précise que Sissi était aussi responsable de la préparation d’un plan d’intervention de l’armée en cas de troubles internes.
Va-t-il consolider le rôle politique de son institution ou la recentrer sur des questions stratégiques ?
« Tantawi lui faisait confiance, sinon il ne l’aurait jamais nommé à la tête des renseignements militaires et il ne lui aurait pas confié un poste aussi stratégique que celui d’attaché militaire en Arabie saoudite », estime Robert Springborg, professeur à l’école navale américaine. Le 16 août, lors de sa première réunion avec les dirigeants des différents corps de l’armée, Sissi n’a pas manqué de louer son prédécesseur, « exemplaire dans son service à la nation ». Mais, contrairement au maréchal, connu pour son aversion pour les islamistes, ce père de quatre enfants est soupçonné d’être proche des Frères musulmans. « Il est très pieux, il a une vision du monde qui est celle d’un musulman très conservateur, sa femme est voilée et son oncle, Abbas al-Sissi, était une figure de la confrérie », note Tewfiq Aclimandos, pour qui il est cependant presque impossible que les Frères aient réussi à infiltrer l’institution à un niveau hiérarchique aussi élevé. Réputé pour son professionnalisme et son sens de la discipline, très populaire auprès des officiers, l’ancien chef du bataillon d’infanterie mécanisée a fait scandale en avril 2011 en reconnaissant que des tests de virginité étaient pratiqués sur les manifestantes arrêtées par les forces de sécurité. Une procédure destinée « à protéger les filles du viol et les soldats d’accusations de viol », s’était-il alors justifié.
Défis
Formé en Angleterre et en Amérique, Sissi ne devrait pas introduire de véritable changement dans les relations entre son armée et les États-Unis. « Le général m’a exprimé son attachement inébranlable aux liens militaires qui existent entre les États-Unis et l’Égypte, qui sont un gage de la stabilité du Moyen-Orient depuis plus de trente ans », a déclaré, le 14 août, le chef du Pentagone, Leon Panetta. Ce dernier a assuré que son homologue est résolu à respecter les engagements de son pays dans le cadre des accords de Camp David.
Mais les défis qui attendent le nouveau chef de l’armée sont de taille. Sissi doit stabiliser la situation sécuritaire du Sinaï et se pencher sur la modernisation d’une institution vieillissante. « L’armée égyptienne, explique Robert Springborg, est qualifiée pour des batailles territoriales avec Israël, mais elle ne peut pas faire face aux menaces qui pèsent aujourd’hui sur la sécurité nationale : la piraterie en mer Rouge, le trafic humain en Méditerranée, le trafic de drogue aux frontières… » Et Springborg de soulever la question, essentielle, du rôle de l’institution militaire dans la vie politique et économique : « Nous ignorons si le général va choisir de défendre les intérêts financiers des officiers, leur présence au sein des administrations publiques et leur influence sur la politique étrangère. Ou s’il va, au contraire, recentrer l’armée sur des questions purement stratégiques. »
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