Tunisie – Législatives : exit Bouden, et après ?

Demain, les Tunisiens se rendront aux urnes pour renouveler le Parlement. Si le sort de la Première ministre Najla Bouden n’est théoriquement pas directement lié à ce scrutin, il semble clair qu’elle vit ses derniers jours à la tête du gouvernement. Mais qui va lui succéder ?

La cheffe du gouvernement tunisien, Najla Bouden, avait été nommée en octobre 2021. © FETHI BELAID/AFP

Publié le 16 décembre 2022 Lecture : 4 minutes.

Crise ou pas, les législatives tunisiennes du 17 décembre devraient être les prémices d’une nouvelle séquence politique, à savoir la mise en œuvre du système inscrit par le président Kaïs Saïed dans la Constitution et, surtout, marquer la fin d’un état d’exception qui perdure depuis le « coup de force institutionnel » opéré par le président le 25 juillet 2021.

Cette étape ne saurait s’inscrire dans la continuité de tout ce qui a précédé l’adoption de la Constitution de 2022 et devrait, même si toutes les instances – en particulier le Conseil des régions – ne sont pas encore en place, ouvrir le premier chapitre d’une Tunisie inédite. Un changement de gouvernance qui doit logiquement s’accompagner d’une transmission de relais au niveau de l’exécutif.

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La fin du gouvernement Bouden ne figure sans doute pas au premier rang des préoccupations de l’opinion publique, plus focalisée sur l’inflation, la crise économique et les tensions sociales. Autant de sujets que, justement, l’équipe Bouden n’a pas su régler.

Le coup de semonce du FMI

« Cette équipe est inefficace et inutile, il faut du neuf », assène un chômeur, las d’exhiber huit années d’études « inutiles ». Certains partenaires internationaux ne semblent guère plus convaincus. Le 14 décembre, la décision inattendue du FMI de déprogrammer la décision d’octroi d’un prêt de 1,9 milliard de dollars illustre cette perte de confiance.

Indirectement, cette décision du FMI sonne comme un clap de fin pour le gouvernement Bouden, qui s’est en quelque sorte sabordé lui-même en ne respectant pas les délais requis pour l’élaboration d’une loi de finances 2023 en bonne et due forme signée par le chef de l’État.

Najla Bouden n’a pas réussi à sortir la Tunisie de la crise socio-économique dans laquelle elle se débat, ce qui était pourtant l’objectif qui lui était assigné à sa prise de fonction, d’autant que son parcours laissait à penser qu’elle avait la compétence et la maîtrise des dossiers requises, voire une autorité innée. Il n’en a rien été.

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Bouden phagocytée

La Première ministre a été phagocytée par la machinerie administrative et la concentration des pouvoirs entre les mains du président de la République. Tant et si bien que, faute d’une réelle marge de manœuvre, elle semblait réduite à jouer un rôle de super assistante du chef de l’État, avec un gouvernement qui aurait été une sorte d’immense staff. Une situation qui l’a rendue inaudible et impuissante.

Pis : au sein même de l’équipe ministérielle, la lutte pour le pouvoir est permanente. Et entretenue par Kaïs Saïed, qui reçoit tous les ministres et débat avec eux des sujets qu’il juge important sans que Bouden ait son mot à dire. D’autant que le locataire de Carthage a des relations privilégiées avec certains membres du gouvernement, comme Taoufik Charfeddine, ministre de l’Intérieur, qui a été son chargé de campagne électorale sur le Sahel en 2019, ou Malek Zahi, ministre des Affaires sociales, compagnon de route depuis 2011.

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Des ministres qui s’étripent

« Plusieurs ministres seraient en train de s’étriper pour se garantir une place dans le prochain gouvernement qui sera formé après les législatives anticipées », révèle incidemment Mohamed Saïdi, secrétaire général de la Fédération générale de l’information, interrogé sur la grève de l’audiovisuel public les 17 et 18 décembre, dates du scrutin législatif.

Tout cela fait désordre dans une maison Tunisie qui a besoin de retrouver du sens dans sa démarche. À l’action collective nécessaire pour remettre sur pied un édifice fragilisé par une longue tempête économique, on a visiblement préféré une expression d’autoritarisme.

Catégorique, un ancien député du Bloc démocratique, qui estime que le temps perdu est irrattrapable, juge que « Bouden aurait dû démissionner depuis le printemps dernier et mettre ainsi Saïed face à ses responsabilités pour qu’il sorte de son sempiternel discours sur les complots à tout-va. »

D’autres croient encore dans une forme d’alternance, même si les partis, dans le nouveau système politique, n’ont plus voix au chapitre. Ou suggèrent de congédier un exécutif qui n’a pas été à la hauteur des espérances. « On n’est pas capables de rendre un dossier complet à temps », s’afflige un patron. Dans tous les cas, une conclusion s’impose. « C’est le début de la fin pour l’exécutif actuel. L’étendue des dégâts sera fonction de la stratégie de gestion de crise », commente le chroniqueur Haythem El Mekki.

Passer le relais est, selon des sources à la Kasbah, ce à quoi aspire la cheffe du gouvernement depuis plusieurs mois. Mais à chaque fois qu’elle a voulu partir, le président l’a retenue. Cette fois, le scrutin législatif est un motif tout trouvé. Nouveau mandat, leadership différent. Reste à savoir qui pourra prendre la place, assez inconfortable, de Najla Bouden ? Le président a-t-il déjà fait son choix ? Sur quels critères ? Est-il disposé à travailler avec une autre équipe ? Réponse dans les tout prochains jours.

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