Libye : de guerre lasse

Face aux attaques répétées contre des mausolées soufis, le ministre libyen de l’Intérieur, Fawzi Abdelali, veut éviter de jeter de l’huile sur le feu. Quitte à laisser faire…

Le ministre libyen de l’Intérieur, le 28 août 2012 à Tripoli. © AFP

Le ministre libyen de l’Intérieur, le 28 août 2012 à Tripoli. © AFP

Publié le 6 septembre 2012 Lecture : 2 minutes.

Après avoir remis sa démission le 26 août, Fawzi Abdelali, le ministre de l’Intérieur libyen, a fini par revenir sur sa décision deux jours plus tard. « Il semblerait que ma démission ne ferait que compliquer la situation, je la retire donc et continuerai ma mission », a-t-il annoncé le 28 août. Une mission qui prendra fin le 8 septembre, date limite pour former un nouveau gouvernement, un mois après la passation des pouvoirs entre le Conseil national de transition (CNT) et le Congrès national général (CNG).

Les ennuis d’Abdelali remontent à la destruction du mausolée de Sidi Abdessalam al-Asmar, le 24 août à Zliten. Depuis la veille, de violents affrontements à l’arme lourde opposaient les membres d’une même tribu dans cette ville située à 160 km à l’est de la capitale. Des salafistes ont profité de la confusion pour mettre à terre le tombeau soufi, qui se trouvait dans l’enceinte de l’une des plus belles mosquées du pays. Les vandales ont ensuite essayé d’exhumer les reliques du saint, creusant à 5 m de profondeur, en vain. Enhardis par cette destruction, des hommes ont attaqué le lendemain un autre lieu saint : la mosquée Al-Shaab, qui s’élève à quelques mètres de l’un des plus grands hôtels de la capitale, le Radisson Blu Al-Mahary. Un imam qui tentait d’empêcher la destruction a été battu et des journalistes d’une chaîne de télévision locale ont été brièvement détenus.

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"Barbus"

Selon des témoins de l’attaque, les assaillants étaient des « barbus » agissant sous la supervision de membres du Comité de sécurité suprême (CSS), censé être le corps d’élite des ex-rebelles. Cette complicité flagrante au sommet de l’appareil sécuritaire a logiquement conduit Mohamed Magarief, le président du CNG, à convoquer d’urgence les ministres de l’Intérieur et de la Défense. Alors que certains députés réclamaient la démission des deux responsables, la rumeur annonçait déjà leur remplacement à Tripoli. Refusant de s’expliquer devant le nouveau Parlement, Fawzi Abdelali a-t-il médité la phrase du Français Jean-Pierre Chevènement : « Un ministre, ça ferme sa gueule ; si ça veut l’ouvrir, ça démissionne » ? Abdelali semble avoir choisi de ne pas trancher. Après sa démission avortée, il a finalement parlé : « Si nous faisons usage de la force, nous devrons affronter des groupes lourdement armés. Je refuse d’engager une bataille perdue d’avance, de faire couler le sang pour un tombeau », s’est-il justifié. Le ministre a demandé aux autorités religieuses, au premier rang desquelles le grand mufti Sadeq al-Ghariyani, d’ouvrir le dialogue avec les salafistes. « Si tous les mausolées de Libye sont détruits pour éviter la mort d’un seul homme, alors c’est un prix que nous sommes prêts à payer », a-t-il déclaré à l’agence de presse Reuters. C’est sûr, le silence est d’or. 

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