Médias : « Rukh », une renaissance arabe

La revue « Rukh » consacrée au monde arabe est autant un incubateur de tendances qu’un pot-pourri de voyages.

La couverture du premier numéro de Rukh. © D.R.

La couverture du premier numéro de Rukh. © D.R.

Publié le 30 août 2012 Lecture : 3 minutes.

D’abord le titre : Rukh. Un nom rêche évoquant le phénix de la mythologie persane et qui cache le nouveau venu dans la cour des « mooks ». Ce dernier néologisme désigne l’heureux mélange des genres entre un magazine (mag) et un livre (book), d’où le « mag-book », abrégé en mook. Un filon porteur que tente d’investir la revue de « l’esprit du nouveau monde arabe », fille illégitime du printemps des peuples et du cosmopolitisme affiché de ses initiateurs. « Rukh ambitionne de parler des Arabes autrement, en dehors des sentiers battus et des clichés véhiculés par les médias. Nous voulons braquer les projecteurs sur des jeunes, leurs créations et leurs itinéraires atypiques », explique sa rédactrice en chef, Sonia Terrab. Son acolyte Hachemi Ghozali est directeur de la publication. De père algérien et de mère tunisienne, il a étudié à Sciences-Po Paris puis à Tokyo, et il vient d’abandonner la finance pour se lancer dans ce projet « un peu fou » tiré à 15 000 exemplaires diffusés dans les kiosques français, marocains et tunisiens.

Filon éditorial

Les mooks pullulent depuis le succès de XXI, une revue trimestrielle dédiée au reportage et à la bande dessinée, qui s’écoule à 55 000 exemplaires. Format A4, pagination généreuse, couleurs… la recette fait des émules. Depuis un an, Feuilleton traduit les reportages de Vanity Fair et du New Yorker. Usbek & Rica, dédié au futur, est passé depuis peu au format magazine. Même le groupe L’Express Roularta s’est lancé dans l’aventure avec le premier numéro de Long Cours, le 16 août. L’heure est à la niche, avec des publications comme Schnock, « la revue des vieux de 27 à 87 ans », qui consacre sa couverture d’été à Jean Yanne, ou Crimes et châtiments, spécialisée dans les faits divers.

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Far east

Moyenne d’âge des fondateurs de Rukh : 26 ans. Ils s’appuient sur un réseau de correspondants expérimentés et de contributeurs globe-trotteurs. Et ça commence fort. Le numéro 1, intitulé « Les rebelles ne sont pas ceux que l’on croit », s’orne d’une photo pixélisée de la policière accusée d’avoir giflé Mohamed Bouazizi. Christophe Ayad, du Monde, retourne à Sidi Bouzid sur les traces du héros déchu de la révolution tunisienne. Un reportage suivi d’une bande dessinée minimaliste de Kitsunov. Éclectique, le menu se déroule autour d’une analyse des 99, la BD du psychologue koweïtien Naïf al-Mutawa. Représentant chacun l’un des attributs d’Allah, ses super-héros sont là pour faire oublier Ben Laden. Puis l’on suit Samuel Forey (Télérama, Le Point) dans ses pérégrinations dans le Sinaï, ce Far East peuplé de desperados qui s’embarquent dans des vendettas aussi vaines que légendaires, un western bédouin sur fond de trafic d’opium et de kidnapping de touristes, agrémenté de magnifiques photos pleine page.

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Plus provocateur encore, l’entretien avec Danielle Arbid, réalisatrice libanaise qui affiche, de son aveu même, un « féminisme à la dure ». Lauréate du prix Albert-Londres pour un film sur la mémoire refoulée de la guerre civile, elle n’a de cesse de dénoncer les travers de son pays, ses phobies, ses obsessions et ses dénis.

Rock et foot

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Puis, parce que Rukh aime surprendre, vient un délicieux portrait du footballeur du Barça Ibrahim Afellay. Joker de luxe du club catalan, cet originaire du Rif a fait le bonheur de sa terre natale en arborant le drapeau amazigh un soir de victoire en Ligue des champions dans le mythique stade de Wembley. Un itinéraire raconté par Réda Allali, le leader du groupe marocain Hoba Hoba Spirit, féru de rock et de foot. Sonia Terrab, elle, traverse la frontière algéro-marocaine pour soixante-douze heures et rejoint Oran, ville mélancolique, si proche et indolente. Attendu pour fin septembre, le numéro 2 a pour thème la vitesse. Au menu : enquête sur l’autoroute est-ouest algérienne, reportage sur l’équipe de voile du sultanat d’Oman, et une nouvelle de Fouad Laroui sur les Arabes et le temps. Bon vent.

La couverture du premier numéro de Rukh

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