Chine-Japon-Corée du Sud : le trio infernal

Sur fond d’exaltation nationaliste, le Chine, le Japon, et la Corée du Sud multiplient les scènes de ménage. Mais négocient dans le même temps un accord de libre-échange !

Un Japonais plante le drapeau de son pays sur un îlot de l’archipel des Senkaku. © AFP

Un Japonais plante le drapeau de son pays sur un îlot de l’archipel des Senkaku. © AFP

Publié le 31 août 2012 Lecture : 2 minutes.

La photo a fait la une des journaux sud-coréens et chinois : un militant japonais, sur un rocher, brandissant triomphalement un drapeau de son pays. Pour Kim Moon-il, 87 ans, qui comme beaucoup de Coréens de sa génération nourrit une rancoeur ancestrale à l’égard de ses voisins, c’est tout un douloureux passé qui ressurgit. « Il faut stopper l’arrogance impérialiste japonaise, dit-il. Les Chinois ne doivent pas se laisser faire ! » Soixante-sept ans après la capitulation du Japon impérial, les blessures sont encore à vif en Extrême-Orient. Face au vieil ennemi nippon, c’est l’union sacrée.

La photo en question a été prise le 19 août dans les Senkaku (Diaoyu, en chinois), minuscules îlots en mer de Chine méridionale, administrés par le Japon mais revendiqués par la Chine et Taiwan. Une centaine de militants nationalistes venaient d’y débarquer afin de « montrer à la communauté internationale » que ces territoires étaient japonais. Même si, quelques jours plus tôt, des Chinois avaient eux aussi hissé un drapeau sur l’île contestée, la colère s’est aussitôt répandue en Chine comme une traînée de poudre. Une dizaine de grandes villes ont été le théâtre de violentes protestations : slogans hostiles, voitures retournées, magasins saccagés…

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Mais la photo aurait pu aussi bien être prise à Dokdo (Takeshima, en japonais), deux îlots de la mer du Japon qui depuis des années alimentent un contentieux tenace entre Tokyo et Séoul. Le 10 août, Lee Myung-bak, le président sud-coréen en personne, n’a pas hésité à mettre le feu aux poudres en débarquant à Dokdo, prétexte à l’inauguration, quelques jours plus tard, d’un monument célébrant la souveraineté coréenne. Furieux, Yoshihiko Noda, le Premier ministre nippon, jugeant la visite « totalement inacceptable », a aussitôt rappelé son ambassadeur à Séoul et menacé de porter l’affaire devant la Cour internationale de justice.

Affront suprême

Enfin, la veille du 15 août, jour anniversaire de la libération de la Corée du joug nippon, Lee Myung-bak a commis l’affront suprême aux yeux des Japonais : exiger directement de l’empereur Akihito des excuses « du fond du coeur » pour les crimes commis pendant la colonisation (1910-1945), notamment l’enrôlement forcé de milliers de « femmes de réconfort » (prostituées) destinées à la soldatesque. Dès le lendemain, Tokyo ordonnait la reprise des visites officielles au sanctuaire Yasukuni, où sont honorés des criminels de guerre japonais. Celles-ci avaient été interrompues il y a trois ans en raison des protestations qu’elles suscitaient.

Est-ce vraiment un hasard si, depuis quelques mois, ces vieux différends refont surface ? Il est permis d’en douter. Des changements vont en effet avoir lieu au cours des prochains mois à la tête des trois pays. En Chine, en octobre, une nouvelle génération de dirigeants sera mise sur orbite à l’issue du 18e congrès du Parti communiste chinois. En Corée du Sud, une élection présidentielle est prévue au mois de décembre. Au Japon, enfin, le Premier ministre, fragilisé par la crise nucléaire, a promis des élections législatives anticipées. Belle occasion pour les responsables politiques d’attiser le nationalisme populaire. Mais tout cela ne devrait quand même pas mettre en péril les négociations – cruciales – entre les trois pays qui se sont tenues la semaine dernière à Qingdao, en Chine, en vue de la conclusion d’un accord de libre-échange. Les trois économies représentent, rappelons-le, 20 % du produit intérieur brut mondial… 

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