Palestine : Store et désaccords

Depuis des années, le chef de la diplomatie norvégienne s’investit dans la création d’un État palestinien. Il explique pourquoi cette dernière semble pourtant s’éloigner de plus en plus. Et qualifie la situation actuelle d’extrêmement dangereuse.

Jonas Gahs Store (au centre), lors d’une visite à Gaza, en février 2009. © Sipa

Jonas Gahs Store (au centre), lors d’une visite à Gaza, en février 2009. © Sipa

Publié le 7 septembre 2012 Lecture : 4 minutes.

Aucun homme d’État occidental n’a autant oeuvré pour promouvoir la création d’un État palestinien que Jonas Gahr Store, 52 ans, le charismatique ministre norvégien des Affaires étrangères, un travailliste qui jouit d’une popularité sans égale dans son pays. Pourtant, tous les efforts qu’il a déployés ces dernières années se sont révélés vains, ruinés par l’intransigeance des Israéliens, la division des Palestiniens et la capitulation d’Obama face aux pressions de Tel-Aviv.

Après les accords d’Oslo de 1993, la Norvège s’est sentie dépositaire du succès du processus de paix, estimant que son rôle était de tout faire pour qu’un État palestinien voie le jour. Mais cela supposait l’accord de l’État hébreu et le soutien des Américains. Elle n’a obtenu ni l’un ni l’autre.

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Pour les Norvégiens, le processus de paix comporte deux volets parallèles mais distincts. L’un, piloté par Washington, concerne le statut final (frontières, sécurité, réfugiés et Jérusalem). L’autre, sous la houlette des Norvégiens, consiste à mobiliser des fonds pour aider les Palestiniens à bâtir les institutions de leur futur État, à travers le Comité de liaison ad hoc (AHLC), comité des donateurs créé après les accords de 1993 et présidé par Store.

Construction

La stratégie du chef de la diplomatie norvégienne était de battre en brèche l’argument des Israéliens selon lequel ils n’avaient pas de partenaire côté palestinien pour établir la paix, en les mettant devant le « fait accompli » d’un État palestinien virtuel. Au cours d’un entretien, en juin, lors du dernier forum d’Oslo, Store m’expliquait ainsi sa position : « Nous espérions que les deux volets du processus de paix se rejoindraient et avons travaillé avec le Premier ministre de l’Autorité palestinienne, Salam Fayyad, pour l’aider dans la construction des institutions. Les Palestiniens sont passés tout près de la création de leur État lorsqu’ils ont postulé au statut de membre des Nations unies, en septembre 2011 – qui leur a finalement été refusé. L’Europe aurait dû parler d’une seule voix. Ce que fait Israël est contraire aux lois internationales et à ses propres intérêts. La solution à deux États est en train de s’évanouir et nous sommes aujourd’hui dans une situation extrêmement dangereuse. Les Palestiniens vivent une double tragédie, celle de l’occupation et celle de la division. »

J’interrogeai ensuite le ministre des Affaires étrangères sur sa vision de la montée des courants islamistes à travers le monde arabe. « Ce serait le comble de l’hypocrisie si nous saluions la mise en place d’élections démocratiques et qu’ensuite nous fustigions leurs résultats. Il faut les accepter et, si besoin est, s’en servir pour mettre toute majorité démocratiquement élue qui ne respecterait pas les normes internationales relatives aux droits de l’homme en face de ses responsabilités. Des pays comme l’Égypte, qui ont grand besoin d’investisseurs, doivent s’efforcer d’être le plus transparent possible. Qui investira dans un pays où personne ne rend de comptes ? »

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Factions

Store a toujours été enclin à traiter avec tous les acteurs, sans nécessairement adhérer à leur point de vue – raison pour laquelle il a collaboré très tôt avec les Frères musulmans en Égypte -, la coopération étant l’une des pierres angulaires de la politique étrangère du gouvernement norvégien de centre gauche arrivé au pouvoir en 2005 et réélu en 2009. « Nous, en Norvège, nous sommes prêts à discuter avec tous les groupes palestiniens, y compris le Hamas, même si nous ne reconnaissons pas pour autant sa charte, que nous trouvons profondément troublante, rappelle-t-il. Nous sommes en faveur d’une réconciliation nationale. En 2007, nous avions décidé de soutenir le gouvernement d’union nationale, mais l’Union européenne a fait l’erreur de ne pas nous suivre. »

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Oslo plaide pour l’unité politique palestinienne, tout en sachant que Tel-Aviv refuserait de traiter avec un gouvernement accordant une place au Hamas. Le cas échéant, il n’hésiterait pas à suspendre les prélèvements collectés au nom de l’Autorité palestinienne (AP), et les États-Unis, eux, couperaient leurs aides. Alors, plutôt que d’encourager le Hamas à rejoindre un gouvernement d’union nationale, la politique de la Norvège a été de mobiliser les soutiens financiers en faveur de l’AP, laissant ainsi à l’Égypte la tâche de réconcilier les différentes factions palestiniennes.

Il traite avec tous les acteurs, Hamas compris, sans pour autant adhérer à leur point de vue.

Parmi les institutions que la Norvège a contribué à créer dans le cadre de l’AHLC, certaines sont consacrées à la sécurité et à la prévention des attaques contre Israël. Ce qui est d’ailleurs devenu une source d’embarras pour le président Abbas, qui s’est vu reprocher d’avoir facilité le travail d’Israël sans jamais récolter aucun geste politique en retour quant à l’avancée du processus de création de l’État.

Déceptions

La Norvège a par ailleurs maintes fois rappelé à Israël que s’il refusait d’avancer dans le processus politique, il s’exposerait à la lassitude des donateurs et devrait bientôt prendre lui-même en charge le problème cisjordanien. Mais l’État hébreu a flairé le bluff et poursuivi son implacable colonisation des territoires palestiniens, tout en comptant sur les fonds étrangers pour continuer à financer l’AP.

Le Quartet pour le Proche-Orient (États-Unis, ONU, Russie, Union européenne) et son meneur américain n’ont pas réussi à obtenir le consentement de Tel-Aviv pour la création d’un État palestinien, et la capitulation d’Obama est une énorme déception autant pour les Palestiniens que pour la Norvège, qui avait misé gros sur l’aboutissement du processus. Le Comité de liaison ad hoc avait atteint son pic d’activité au moment où les Palestiniens ont déposé leur demande de reconnaissance auprès de l’ONU… réduite à néant par les États-Unis.

L’inéluctable conclusion est que ce comité n’a plus de rôle à jouer parallèlement au volet politique du processus de paix. Ce qui confirme l’analyse du ministre norvégien des Affaires étrangères quant à l’extrême dangerosité de la situation. 

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