Nigeria : Lagos, une ville qui croit en sa renaissance

La ville est toujours tentaculaire, congestionnée, surpeuplée… Mais elle a aussi radicalement changé en quelques années.

La ville de Lagos s’est beaucoup transformée ces denières années. © AFP

La ville de Lagos s’est beaucoup transformée ces denières années. © AFP

Publié le 28 août 2012 Lecture : 4 minutes.

Personne ne connaît vraiment la taille de Lagos. « Il continue de s’étendre et d’avaler les petites communes des environs, on ne peut pas délimiter ses frontières », reconnaît Ayo Adediran, directeur du service de planification de la municipalité. On ne peut pas non plus chiffrer sa population. En 2011, l’ONU estimait que la capitale économique nigériane comptait 11,2 millions d’habitants. Aujourd’hui, elle devrait en abriter plus de 11,4 millions, et cela fait d’elle la plus grande ville d’Afrique, devant Le Caire.

Sa réputation peu reluisante est en revanche bien connue. « Problèmes de logement, de circulation, énumère Adediran dans son bureau. Mais aussi infrastructures en lambeaux, bidonvilles, montagnes de détritus bloquant les routes, insécurité… » Tout cela est vrai, et pourtant, Adediran en convient, « les choses ont changé ».

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Certes, les go slow (embouteillages) sont toujours bien réels, mais faire le trajet entre le quartier d’affaires de Victoria Island et le siège du gouvernement de l’État de Lagos, à Ikeja, ne prend plus que trente minutes, contre quatre-vingt-dix il y a quelques années. Sur le pont qui traverse la lagune, des femmes en blouse jaune fluo balaient les ordures. Les nids-de-poule sont comblés et les panneaux routiers qui signalent les « travaux en cours » appellent aussi les Nigérians à « payer [leurs] impôts ». Des colonnes de béton géantes rappellent que la construction d’un réseau ferré est en cours.

À l’origine de ce changement, il y a un ambitieux plan pour transformer – sur le long terme – ce qui était l’un des centres urbains les plus anarchiques au monde en une « mégalopole africaine modèle ». La renaissance de cette ville, qui génère le quart du produit intérieur brut nigérian, est cruciale pour l’avenir d’un pays qui concentre à lui seul le sixième de la population d’Afrique subsaharienne.

Gazon et fleurs

C’est sous le mandat de l’ancien gouverneur Bola Tinubu et surtout depuis l’arrivée de son successeur, Babatunde Fashola (un avocat de 49 ans dont le slogan est Eko o ni baje, « Ne gâchons pas Lagos », en yoruba), que les choses ont commencé à changer. Des panneaux appellent à plus de propreté, à cesser l’affichage sauvage et à ne pas uriner n’importe où. Souterrains et ronds-points ont été débarrassés des marchands informels et recouverts de gazon et de fleurs. Certains area boys, ces voyous qui s’attaquaient aux piétons et aux automobilistes, sont maintenant employés aux travaux d’embellissement. À Lagos, ils sont nombreux à penser que la criminalité a reculé, notamment les braquages de banques, de boutiques et d’hôtels, qui étaient encore fréquents il y a quelques années.

Autrefois, Lagos rebutait. Aujourd’hui, il attire investisseurs et promoteurs immobiliers.

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L’effet n’est pas seulement cosmétique. Autrefois, la ville rebutait. Aujourd’hui, de nombreuses compagnies étrangères s’y installent, comme la chaîne de supermarchés sud-africaine Shoprite, qui y a ouvert trois magasins haut de gamme.

Les revenus de l’État de Lagos se sont simultanément envolés. En 1999, il disposait de 600 millions de nairas (6 millions d’euros à l’époque) de recettes fiscales par mois, affirme le gouverneur Fashola. En 2007, à son arrivée, elles étaient passées à 7 milliards de nairas. Une compagnie liée à son prédécesseur a remporté un contrat de sous-traitance controversé pour collecter taxes et impôts. L’accord était juteux, puisque l’entreprise gagnait 10 % de tous les revenus perçus au-delà de 7 milliards de nairas. Mais, pour Fashola, le bilan est positif : les revenus mensuels dépassent désormais les 15 milliards de nairas par mois. La ville vit à 75 % de ses propres ressources et a fait des émules dans le reste du pays.

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Décrépits

Beaucoup a été investi dans les transports. En 2008, un système de bus rapides a été lancé avec un partenariat public-privé. Chaque jour, 200 000 personnes utilisent le réseau, bien plus efficace que les transports en commun informels, selon Dayo Mobereola, directeur général de l’Autorité des transports de l’aire métropolitaine de Lagos. Plus ambitieux encore, un projet de tramway qui devrait comporter sept lignes une fois achevé. Il pourrait transporter plusieurs centaines de milliers de passagers par jour. « Nous essayons de bâtir des infrastructures qui seront capables de répondre à nos besoins dans dix ou quinze ans », explique Mobereola.

Les promoteurs immobiliers voient loin également. À Victoria Island, une nouvelle ville dans la ville voit le jour sur des terres gagnées sur l’océan. Des navires transportent chaque jour 80 000 m3 de sable sur le site d’Eko Atlantic, qui devrait bientôt s’étendre sur 9 millions de mètres carrés. Avec sa propre alimentation en eau et en énergie, ses boulevards de 60 m de large et ses logements pour 250 000 personnes, le projet vise l’élite d’une ville aux inégalités extrêmes.

Lifting

Alors que les yachts des millionnaires mouillent dans les baies de Lagos, près des deux tiers des habitants vivent dans des bidonvilles. Les efforts pour transformer la cité sont trop concentrés sur les quartiers aisés, estiment certains. Pour Robert Neuwirth, un écrivain américain venu enquêter pendant plusieurs mois sur le secteur informel nigérian en 2007, l’économie de la rue, dont dépendent les trois quarts des habitants de Lagos, a été sévèrement touchée. Dans les appartements décrépits, jusqu’à dix personnes vivent parfois dans une seule pièce, sans cuisine ni salle de bains. L’approvisionnement en électricité (­parfois décrit comme « épileptique ») n’est pas plus régulier que l’alimentation en eau.

Kingsley Omose, un avocat qui travaille dans un quartier déshérité d’Orile-Iganmu, affirme que seuls les quartiers riches ont eu droit à un vrai lifting, mais reconnaît que la vie dans les bidonvilles s’est aussi améliorée. « La première fois que je suis venu, en 2007, cette route ressemblait à un chemin, impraticable dès qu’il pleuvait », explique-t-il. Après de multiples demandes, le gouvernement de Fashola a fini par goudronner plusieurs axes de circulation. De nombreuses entreprises ont vu le jour, comme ces petites boutiques qui proposent les produits d’alimentation de base. Des immeubles ainsi qu’une clinique privée de quatre étages sont sortis de terre. « Il n’y a toujours pas de quoi s’enthousiasmer, assure Olabode Medale, le président d’une association du quartier. Mais, honnêtement, cela s’améliore. »

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