Législatives en Tunisie : Kaïs Saïed affaibli par un très faible taux de participation

Le taux d’abstention de plus de 91 % lors du premier tour des législatives est un véritable camouflet pour le président Kaïs Saïed, dont l’opposition réclame le départ.

Le président tunisien Kaïs Saied vote lors des législatives, le 17 décembre 2022. © AFP / Présidence tunisienne

Publié le 19 décembre 2022 Lecture : 3 minutes.

Après que seulement 8,8 % des votants se sont déplacés aux urnes, samedi 17 décembre, lors du premier tour des législatives anticipées, le chef de la principale coalition de l’opposition, Ahmed Nejib Chebbi, a appelé le président tunisien Kaïs Saïed à « quitter ses fonctions immédiatement ».

Le taux de participation enregistré est le plus bas depuis la révolution de 2011 qui avait chassé du pouvoir Zine el-Abidine Ben Ali et fait émerger la première démocratie du monde arabe. Les Tunisiens « ont tourné le dos à son processus illégal » et « c’est un grand désaveu populaire pour le processus » démarré le 25 juillet 2021, quand Kaïs Saïed avait gelé le Parlement et limogé son Premier ministre, s’emparant de tous les pouvoirs, a déclaré Ahmed Nejib Chebbi, le président du Front de salut national (FSN), dont fait partie le mouvement d’inspiration islamiste Ennahdha, bête noire du président Saïed et ancien parti majoritaire au Parlement, jusqu’à l’été 2021.

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Celui-ci a appelé les autres formations politiques à « s’entendre sur la nomination d’un haut magistrat », capable de « superviser une nouvelle élection présidentielle ». Selon le FSN, ce fiasco électoral va compliquer les négociations entre la Tunisie et le Fonds monétaire international (FMI) pour un prêt de près de 2 milliards de dollars, dont le pays très endetté a un besoin urgent.

Ces législatives représentent le point final de l’édification d’un système hyper-présidentialiste par le président Saïed, élu en 2019, avec l’élection d’un Parlement privé de l’essentiel de ses pouvoirs après une révision constitutionnelle adoptée par référendum en juillet 2022.

Jusqu’à présent critiques à l’égard du processus lancé par Kaïs Saïed, dimanche 18 décembre, les États-Unis ont qualifié la tenue de ce scrutin de « premier pas essentiel vers la restauration de la trajectoire démocratique du pays ». Même si, selon le Département d’État américain, la forte abstention « renforce la nécessité d’élargir davantage la participation politique au cours des prochains mois ».

Le nouveau mode de scrutin interdisait toute affiliation politique pour des candidats le plus souvent inconnus, ce qui a contribué à faire chuter la participation, selon les experts. Le FSN et la plupart des autres formations politiques, dont le Parti destourien libre d’Abir Moussi (anti-islamiste), boycottaient en outre le vote. Autre opposante de poids, Abir Moussi a elle aussi demandé la démission de Kaïs Saïed.

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« Situation bloquée »

Le taux très bas « est un désaveu personnel pour Kaïs Saïed, qui a décidé tout tout seul », a analysé le politologue Hamadi Redissi, estimant que « sa légitimité est en cause ». Toutefois, « la situation est bloquée » selon lui, car « il n’existe aucun mécanisme juridique pour destituer le président » dans la nouvelle Constitution.

Le nouveau Parlement, qui ne sera constitué qu’après un deuxième tour, qui devrait se tenir à la fin de janvier 2023 ou, au plus tard, au début de mars, n’a pas cette compétence et peut, au mieux, censurer le gouvernement mais à l’issue d’un processus complexe.

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Pour le politologue Slaheddine Jourchi, « ce taux (d’abstention) reflète l’absence de confiance du peuple ». Reste que l’opposition « est faible et divisée » entre d’un côté le camp laïc et progressiste, et de l’autre le FSN coalisé autour d’Ennahdha, selon Hamadi Redissi. Il y a « peu de chances qu’elle s’unisse tant que ne sera pas résolue la question Ennahdha », a-t-il dit, à propos de cette formation à laquelle une bonne partie des Tunisiens imputent les échecs économiques et sociaux de la dernière décennie.

La faible participation vient du fait que « le peuple est énervé contre la situation économique et la cherté de la vie », selon Hamdi Belgacem, un chômeur de 37 ans interrogé ce dimanche 18  décembre. « Il nous a promis des investissements et il n’a pas tenu ses promesses. Il nous a promis beaucoup de choses qu’il n’a pas tenues », a-t-il dit, en soulignant avoir soutenu le coup de force de Kaïs Saïed l’an passé. Abdelsalem, un retraité de 70 ans, comprend lui aussi les « citoyens qui ont boycotté le scrutin » car « ils sont dépourvus, pauvres, au chômage et pensent à la migration clandestine ».

(Avec AFP)

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