Syrie : fausses nouvelles du front

Entre le régime de Bachar al-Assad et l’opposition syrienne, la guerre de l’information fait rage. Intoxiquant les médias et, parfois, les dirigeants étrangers.

Le vice-Premier ministre syrien, en visite à Moscou, le 21 août. © AFP

Le vice-Premier ministre syrien, en visite à Moscou, le 21 août. © AFP

ProfilAuteur_LaurentDeSaintPerier

Publié le 31 août 2012 Lecture : 2 minutes.

Le 22 août, le quotidien français Le Figaro titre « Damas "prêt à discuter" du départ d’Assad » et le site internet du Monde : « La Syrie évoque la démission de Bachar al-Assad. » Ce jour-là, une impression se dégage à la lecture de la presse française : le régime syrien envisage le départ de son chef. Décryptage : en visite à Moscou, Qadri Jamil, le vice-Premier ministre syrien, a déclaré la veille que « lors de négociations, rien n’empêche d’étudier tout sujet que proposerait l’une des parties. Même celui-ci [la démission, NDLR] ». La traduction littérale est loin de l’interprétation que l’on a fait de ces propos : un responsable qui ne pèse pas grand-chose dans le système syrien déclare, tel M. de La Palice, que des négociations sont faites pour aborder les sujets qui fâchent.

Après-Bachar

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Cet épisode n’est qu’un énième avatar de la guerre de la communication que se livrent pro- et anti-Assad. La cacophonie s’entend jusqu’au plus haut niveau, par exemple quand Laurent Fabius, le chef de la diplomatie française, à la suite de Victoria Nuland, la porte-parole du département d’État américain, affirme, le 15 juin, que les Occidentaux discutent avec Moscou de l’après-Bachar. « Si cela a vraiment été dit, c’est faux », a rétorqué Sergueï Lavrov, son homologue russe.

Si le premier responsable de ces distorsions de l’information est le gouvernement Assad, l’opposition n’hésite plus à se servir des mêmes armes. Ainsi, lorsque le journaliste français Gilles Jacquier est tué le 11 janvier à Homs, le Conseil national syrien (CNS) s’empresse de dénoncer un guet-apens du régime, théorie reprise dans les médias hexagonaux. Il faut attendre juillet et une fuite du ministère français de la Défense pour que soit enfin évoqué un tir rebelle. De même, bien que la présence d’Al-Qaïda et de groupuscules affiliés soit attestée en Syrie, le régime est immédiatement accusé par le CNS d’avoir perpétré l’attentat aveugle qui a fait 55 morts à Damas le 10 mai. Et quand deux grands journaux allemands, Die Welt et le Frankfurter Allgemeine Zeitung, affirment que le massacre de Houla, à la fin mai, aurait en réalité été perpétré par les rebelles, l’information est à peine relayée.

En seize mois de conflit, le clan Assad est hélas presque parvenu à faire passer son discours sur les « bandes armées » pour la réalité. Mais en cédant parfois à la tentation de la travestir à son tour, l’opposition risque de se discréditer.

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