Congo-Brazzaville : le Pool haut en couleur

Certains sont des enfants du pays, d’autres des hôtes temporaires. D’autres encore, venus d’ailleurs, s’y sont enracinés. Présentation de quelques figures qui ont marqué le département.

Anne-Marie Bernadine Malonga est maire de Kinkala. © Baudouin Mouanda pour J.A.

Anne-Marie Bernadine Malonga est maire de Kinkala. © Baudouin Mouanda pour J.A.

ProfilAuteur_TshitengeLubabu

Publié le 30 août 2012 Lecture : 5 minutes.

Congo : démocratie cha cha
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Congo : démocratie cha cha

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Anne-Marie Bernadine Malonga : un maire peu ordinaire

C’est devant son téléviseur, un soir d’avril 2011, qu’Anne-Marie Bernadine Malonga, 55 ans, apprend sa nomination à la tête de la mairie de Kinkala. Après un premier réflexe d’appréhension, elle se ressaisit : « Le jeu en vaut la chandelle », s’enthousiasme-t-elle. Pour remporter la partie, l’édile peut s’appuyer sur un parcours peu ordinaire.

Élève au lycée technique du 1er-Mai de Brazzaville, elle avait choisi… la mécanique. « Je voulais faire comme les hommes et être la première Congolaise à réussir dans cette voie. » Pari gagné. En 1975, elle décroche une bourse d’études et part pour la Roumanie, d’abord au lycée industriel de Bucarest, puis à la faculté polytechnique, où elle étudie l’électronique. Ingénieure en radionavigation, Anne-Marie Bernadine Malonga est la première femme diplômée dans sa spécialité à son retour au Congo, en 1985. Elle est immédiatement recrutée par les Lignes nationales aériennes congolaises (Lina Congo), où elle sera nommée chef de service, avant de rejoindre Air Congo. « Intervenir sur un avion et le voir voler, c’est une grande fierté », se souvient l’ingénieure, encore amusée « du regard étonné des passagers qui ne comprenaient pas ce qu’une femme en salopette faisait là ».

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Femme de convictions, la maire de Kinkala s’est aussi distinguée par sa ténacité dans l’action syndicale. Secrétaire générale de la Fédération syndicale des travailleurs du transport aérien, aviation civile et assimilés, vice-présidente de la Confédération syndicale des travailleurs du Congo, elle a joué un rôle important dans la Fédération des ouvriers du transport au niveau de l’Afrique centrale. 

Frédéric Ntumi Bintsamou, une bible et un fusil

©Vincent Fournier pour J.A.

Après avoir quitté l’école bien trop tôt (en classe de 3e) pour se consacrer à Dieu et soigner les malades mentaux par la prière, le pasteur évangélique quitte Brazza et les turbulences de la guerre civile en 1997, pour se mettre à l’abri dans le Pool. Là, en 1999, se croyant appelé par Dieu, Ntumi décide de prendre en main les Ninjas, jeunes miliciens fidèles à Bernard Kolélas. Pour lui, il s’agit de remettre sur le droit chemin ces « brebis égarées », fumeurs de cannabis devant l’Éternel, auteurs de nombreux méfaits. Ntumi se sent en même temps investi d’une autre mission divine, celle de lutter contre le pouvoir central, qui maltraite la population. La Bible croise le fusil. Un chef de guerre est né. Pendant des années, le leader du Conseil national de la résistance (CNR) et des Forces d’autodéfense de la résistance (FADR) mène la vie dure aux troupes de Denis Sassou Nguesso. Les exactions incessantes de ses hommes épuisent la population du Pool. Vient le temps des négociations.

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Nommé en 2007 délégué général chargé de la Promotion des valeurs de paix et de la Réparation des séquelles de guerre (il ne prendra ses fonctions qu’en 2009), le pasteur illuminé se transforme en homme politique, le CNR devient le Conseil national des républicains. À sa tête, Ntumi essuie un cuisant échec en se présentant aux législatives dans le Pool, en 2007, mais obtient neuf sièges au conseil municipal de Kinkala aux élections locales de 2009.

Emmanuel Dongala, l’alchimie des mots

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©Baudouin Mouanda pour J.A.

Né dans l’actuelle Centrafrique d’un père originaire du Pool et d’une mère centrafricaine, Emmanuel Boundzéki Dongala fait ses études aux États-Unis et en France, où il décroche un doctorat. Devenu chef du département de chimie à l’université Marien-Ngouabi de Brazzaville, il consacre l’essentiel de ses recherches au manioc. En 1985, il est nommé directeur des études. Mais tout en enseignant la chimie, Dongala s’adonne à la littérature. Son premier roman, Un fusil dans la main, un poème dans la poche, paraît en 1974. Il sera suivi en 1982 d’un recueil de nouvelles, Jazz et Vin de palme. Riche de six titres et traduite dans plusieurs langues, son oeuvre est porteuse d’un regard parfois désabusé sur les convulsions du continent, tout en se voulant universelle. L’un de ses romans, Johnny Chien Méchant, a été adapté au cinéma en 2008.

En 1997, Dongala est contraint de quitter son pays à cause de la guerre civile. Il pense d’abord à la France mais, Paris ne lui accordant pas de visa, opte finalement pour les États-Unis. Il s’y consacre aujourd’hui à ses deux passions, enseignant la littérature africaine francophone au Bard College (New York) et la chimie dans son annexe de Simon’s Rock (Massachusetts).

Jean-Michel Mbono, sorcier du ballon rond

©Baudouin Mouanda pour J.A.

Dès son adolescence, Jean-Michel Mbono, né à Brazzaville en janvier 1946, montre une aisance particulière avec le ballon rond. Il fait ses débuts en première division à l’âge de 15 ans, avec l’Étoile du Congo. Sous le maillot de l’équipe nationale, cet avant-centre surdoué s’illustre lors de la première édition des Jeux africains, à Brazzaville, en 1965. Mais son plus haut fait d’armes reste le sacre des Diables rouges à la Coupe d’Afrique des nations 1972. Mbono se souvient : « À deux jours de notre entrée en scène, nous apprenions qu’il y avait à Brazzaville une tentative de coup d’État. Parmi nous, beaucoup avaient des amis ou des parents arrêtés, voire tués. Il nous a fallu un moral d’acier pour aller jusqu’au bout et gagner la coupe. »

Fidèle à lui-même, Mbono continua à considérer le football comme une simple passion. Après des études en France, il devint un haut cadre de la Sécurité sociale congolaise. Aujourd’hui retraité, celui qu’on surnommait « le sorcier » est, depuis novembre 2010, président de la Fédération congolaise de football.

Zao, désenchanté

©Baudouin Mouanda pour J.A.

Né à Mazinga (dans le district de Ngoma Tsé-Tsé) en 1953, Casimir Zoba n’a que 4 ans lorsque ses parents divorcent et qu’il part à Brazzaville avec sa mère. Ses études secondaires achevées, il entre à l’école normale en 1978 et, deux ans plus tard, commence sa carrière d’instituteur. Rien de plus classique. Mais, de ballets traditionnels en ensembles vocaux religieux, le petit Zao (un pseudonyme inspiré par Zagallo, un footballeur brésilien qu’il admirait), membre de plusieurs groupes au lycée, a baigné dans un univers musical pendant toute son adolescence. Jusqu’à être recruté comme percussionniste par Les Anges, un ensemble qui animait les soirées du Parti congolais du travail (PCT, alors parti unique) et tournait dans les pays frères de la famille marxiste. Auteur, compositeur, interprète, Zao reçoit en 1982 (avec Sorcier ensorcelé) le prix Découvertes de RFI, puis en 1983 le prix de la meilleure chanson (pour Corbillard) au Festival des musiques d’Afrique centrale, jusqu’à la consécration internationale avec la sortie en 1984, chez Barclay (un label français), d’Ancien Combattant, dont le titre éponyme est un hymne contre la guerre. « Je suis un chanteur engagé, et faire rire est fondamental. Je peux dire des choses dures en amusant le public », explique le trublion.

Son humour légendaire et sa verve sont toujours là, mêlés cependant d’amertume. En pleine guerre civile, Zao s’est réfugié en 1998 dans les forêts du Pool avec les siens, pendant huit mois. Il y a perdu son fils, alors âgé de 4 ans. Dure épreuve qui, évidemment, perturbe sa carrière. S’y ajoutent les producteurs indélicats, les téléchargements pirates de ses oeuvres sur Internet… Désabusé après la sortie de Renaissance (2000), Zao a retrouvé toute sa verve et son entrain empreint de gravité dans son album L’Aiguille (2006) et devrait nous en faire profiter dans son nouvel opus, prévu pour fin 2012.

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