Mali : Mahmoud Dicko, imam médiateur
Mahmoud Dicko, le président du Haut Conseil islamique, a engagé des discussions avec les groupes armés dans le Nord-Mali. Sa proximité idéologique avec les djihadistes est un atout. Pas sûr toutefois qu’il soit porteur d’une solution pour le pays.
« On ne peut pas rester là, à Bamako, les bras croisés. » Mahmoud Dicko, président du Haut Conseil islamique (HCI), veut croire qu’il peut faire la différence en engageant le dialogue avec les djihadistes qui occupent les deux tiers du territoire malien. Le 26 juillet, après avoir reçu le quitus du Premier ministre, Cheick Modibo Diarra, il a pris la route de Gao, en toute discrétion. Son objectif ? Rencontrer Iyad Ag Ghali, le chef d’Ansar Eddine, pour une « prise de contact officielle ». Finalement, la rencontre n’a pas eu lieu, et les deux hommes se sont seulement entretenus au téléphone. Mais l’imam en a profité pour rencontrer les notables de la ville, les membres du conseil régional déchu et Abdel Hakim, leader du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), avec qui l’imam affirme que les choses se sont très bien passées.
Cependant, depuis son retour – Dicko est rentré à Bamako le 29 juillet -, les lignes ont bougé, les groupes armés du Nord durcissant le ton avec leur charia en bandoulière. Le 6 août, à Gao, un présumé voleur a eu la main sauve grâce aux populations qui ont empêché les radicaux de la lui couper. Une semaine plus tôt, à Aguelhok, dans la région de Kidal, un couple a eu moins de chance : non mariés, un homme et sa compagne ont été lapidés à mort et les habitants de la bourgade contraints d’assister au châtiment. Dicko se dit « très ému », mais n’abandonne pas pour autant son objectif. « Je crois au dialogue. Et s’il n’y a aucun compromis possible, je pourrai dire alors aux Maliens et à la communauté internationale : "On a tout essayé, ça n’a pas marché." » Toute la question est de savoir quel compromis, justement, peut être noué et quels sont les termes d’éventuelles négociations… Un fédéralisme à la nigériane, avec des zones régies par la charia ? Pour l’heure, l’imam se refuse à apporter la moindre indication.
"Fin connaisseur du Coran"
Originaire de Tombouctou, fils de cadi, cet homme de 58 ans a enseigné l’éducation physique mais aussi l’arabe dans le secteur public, avant de s’installer à Bamako.
« Quitte à discuter avec les islamistes, autant que ce soit lui, argumente Makan Koné, journaliste et président de la Maison de la presse. Le HCIM est l’organe le plus représentatif de l’islam malien et Mahmoud Dicko est un fin connaisseur du Coran. » Sans compter que son expérience d’ancien professeur peut servir. Originaire de Tombouctou, cet homme de 58 ans a enseigné l’éducation physique mais aussi l’arabe dans le secteur public, avant de s’installer à Bamako. C’est là que ce fils de cadi s’est plongé dans la religion, avant de devenir, au début des années 1980, l’imam de la mosquée de Badalabougou, un quartier situé en bordure du fleuve, où il officie encore les vendredis.
Mais Mahmoud Dicko s’est également imposé comme un acteur de premier plan sur la scène politique, ne manquant aucune occasion d’avancer sa conception d’un islam rigoureux, emprunté à la doctrine wahhabite. Malgré son apparence douce, un discours policé et un ton affable, les Bamakois se souviennent de ses diatribes contre l’occidentalisation qui menacerait la société malienne. Ils gardent aussi en mémoire que c’est lui qui a fait reculer l’ex-président Amadou Toumani Touré sur le projet d’un nouveau code de la famille, en 2010. Le texte prévoyait l’égalité entre les hommes et les femmes en matière de succession ou de gestion du foyer.
Sur ces questions, l’intéressé botte en touche, fait fi des critiques et préfère se présenter comme l’homme providentiel. Sa mission : rencontrer Iyad Ag Ghali à l’occasion d’un deuxième voyage. Le président du HCIM compte faire le déplacement avec une délégation beaucoup plus importante. Quant au lieu et à la date du rendez-vous, une fois de plus, Mahmoud Dicko entretient le mystère : « Je n’ai encore rien décidé. » Mais Iyad Ag Ghali a sans doute également son mot à dire. Quant au quitus de Cheick Modibo Diarra, sa durée de validité reste, à cette heure, une énigme…
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