Maroc : à Gibraltar, un serpent sous la mer
Un tunnel entre les deux rives de la Méditerranée, un projet irréalisable ?
Développement : l’Afrique idéale
La légende fait remonter l’origine du détroit de Gibraltar au périple d’Hercule. Parmi ses douze travaux, le héros devait cueillir les pommes d’or du jardin des dieux gardé par les Hespérides. Hercule a dû se défaire du géant Antée, qui régnait alors sur la pointe septentrionale de l’Afrique.
Le combat a laissé des traces puisque Hercule a coupé (d’un coup de sabre ou d’épaule, les versions varient) la bande de terre reliant l’Espagne au Maroc. Le projet de liaison fixe entre les deux rives du détroit de Gibraltar ambitionne de combler ce fossé, tout en promettant d’être une tâche aussi colossale que celle du héros antique, même si 14 km seulement séparent les deux rives de la Méditerranée.
Futuriste
Les parrains du projet imaginent une révolution futuriste : un voyageur pourrait quitter Séville à 8 heures et atteindre Tanger en quatre-vingt-dix minutes par ligne à grande vitesse. À 11 heures, il rallierait Casablanca puis, une heure plus tard, Marrakech.
Ce projet, appuyé par les rois Hassan II et Juan Carlos dès la fin des années 1970, n’a toujours pas abouti, en raison de difficultés techniques considérables. On a tort de comparer ce tunnel potentiel sous le détroit de Gibraltar à celui de la Manche. Après bien des études, les ingénieurs ne sont plus sûrs que l’édifice, qui pourrait comprendre deux voies ferrées et une galerie de service, soit réalisable.
Incertitudes
Le tracé retenu, long de 38,7 km – dont 27,75 km sous la mer – s’étend du cap Malabata, près de Tanger, à Punta Paloma, en Espagne. Il permet de creuser à une profondeur moins importante : entre 300 et 400 m, contre près de 900 m pour le tracé le plus court, à vol d’oiseau. Mais le tunnel sous la Manche, lui, se situe à seulement 50 m de profondeur. Difficulté supplémentaire, le consortium – la Société nationale d’études du détroit de Gibraltar, Sned (Maroc), et la Sociedad española de estudios para la Comunicación fija a través del estrecho de Gibraltar, Seceg (Espagne) – chargé d’une étude technique en 2006 a fait état deux ans plus tard de la présence de deux portions argileuses au centre du détroit qui font douter de la possibilité même de percer le tunnel.
« Il n’est pas du tout clair que cela puisse se faire », a indiqué à El País Ángel Aparicio, président de la société publique Seceg. « Jamais des travaux publics n’ont fait face à de telles incertitudes », a-t-il ajouté. De quoi alourdir encore la facture, déjà évaluée à 18 milliards d’euros. Énorme en ces temps de crises.
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