Développement : à la conquête de l’Afrique idéale
Le continent tel qu’on le rêve, puissant, moderne et doté d’infrastructures performantes… De la science-fiction ? Non, si l’on en juge par les nombreux chantiers censés le projeter dans une nouvelle ère.
Développement : l’Afrique idéale
Faisons un rêve. Un certain Joseph, Congolais, rend visite à son grand ami sud-africain, Jacob, qui réside à Pretoria. Il part de Kinshasa, dispose d’un peu de temps et souhaite profiter des paysages de savane, comme du temps de sa jeunesse lorsqu’il accompagnait son père parti à la chasse. Mais le train express climatisé en service depuis une quinzaine de jours est déjà victime de son succès. Heureusement, Joseph dispose d’un service VIP. On lui trouve une place pour une centaine d’africas, la toute nouvelle monnaie unique.
Depuis leurs domiciles d’Abidjan et Dakar, Alassane et Macky s’envoient des chats pour échanger sur leur nouveau job. Les journées sont chargées, mais c’est bien payé. Nos deux camarades sont ravis et se donnent rendez-vous le lendemain pour poursuivre la conversation. De toute façon, ils ne risquent plus une satanée coupure d’électricité depuis que la centrale ghanéenne de Tema, tournant au gaz nigérian, approvisionne toute la région.
À Alger, Abdelaziz, quoiqu’un peu fatigué, a finalement décidé d’aller à Abuja pour régler un léger différend avec le Bamakois Dioncounda. Là-bas, ils retrouveront le bien nommé Goodluck. Pour économiser un peu d’argent, ils ont opté pour le covoiturage sur la transsaharienne. Un souvenir inoubliable ! L’aire d’autoroute de Tombouctou est de toute beauté avec ses lieux saints.
Après s’être méchamment disputés pour le paiement d’un plein d’essence, Salva et Omar ont eux, au contraire, décidé de « faire route à part ». Pour son business, Salva a trouvé un partenaire au Kenya. Et puis Omar s’est lancé dans une nouvelle activité, l’hydroélectricité. Les débuts sont prometteurs.
Prodigieux
Nous sommes en 2040. Quelque 2 milliards d’Africains vivent en paix et voyagent sans entraves. Beaucoup disposent d’un passeport régional. Le mode de consommation de près de 300 millions d’entre eux, essentiellement urbains, n’est pas sans rappeler celui du Parisien au début des années 2000, avant que la crise économique et le chômage ne fassent plonger la France. Grâce à un taux de croissance annuel de 6 % depuis le début du siècle, ce que les économistes appellent la formation brute de capital a augmenté de 800 % sur l’ensemble du continent. C’est prodigieux. Le PIB dépasse les 10 000 milliards de dollars (plus de 8 000 milliards d’euros), soit à peine moins que celui de toute la zone euro avant qu’elle n’implose… en 2013.
Ce nouvel eldorado attire plus de 10 % des investissements étrangers et 5 % du commerce mondial. Les trois immenses zones industrielles, à Casablanca, Lagos et Nairobi, ont supplanté la Chine. L’Afrique est devenue l’atelier du monde. Son grenier également. Il est loin le temps où 40 % des récoltes étaient perdues faute de capacité de stockage ou de transport. Le bassin du Congo s’est imposé comme le champion sur le marché carbone, tout en développant une florissante industrie du bois. Les paysans et éleveurs ouest-africains font des merveilles. Johannesburg et Abidjan sont d’authentiques places financières. Le dernier livre de Damyo Bisamo, Pourquoi l’Afrique fait peur !, provoque d’incroyables empoignades lors de colloques habituellement ennuyeux.
On se frotte les yeux. Non, l’Afrique a seulement investi – autour de 360 milliards de dollars, estime l’Union africaine – dans ses infrastructures depuis une trentaine d’années. Quant aux dirigeants, ils ont enfin décidé d’être sérieux…
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