Rêves et défis de l’Afrique aux Jeux olympiques
Les nations émergentes d’Asie s’imposent sur la scène sportive mondiale ? Aux États du continent d’en prendre de la graine ! Premier objectif : éviter que leurs meilleurs athlètes ne concourent sous d’autres couleurs. Puis, pourquoi pas, accueillir un jour les JO.
Les Jeux olympiques de Londres s’achèvent à peine qu’on pense déjà aux prochains jeux d’été, qui se tiendront en 2016 à Rio de Janeiro, au Brésil. Chacune des délégations dresse le bilan de sa participation et fait ses comptes, à tous les niveaux. Il y a ceux qui se satisfont des performances de leurs athlètes même si elles ne se sont pas transformées en médaille. Et ceux qui se lamentent de leurs piètres résultats.
Pour les Africains présents à cette trentième olympiade, les leçons à tirer sont aussi nombreuses qu’intéressantes dans la perspective des futurs rendez-vous sportifs à l’échelle planétaire. Londres 2012 aura d’abord vu la consécration d’un continent : l’Asie. On savait que le géant chinois, organisateur des Jeux en 2008, était en mesure de mobiliser d’énormes moyens pour assurer la présence de ses athlètes dans toutes les disciplines et se hisser sur le podium des nations les plus titrées. Mais le plus surprenant, c’est le succès de la Corée du Sud et de son frère ennemi du Nord. À elles deux, elles devancent aussi bien la Russie que l’Allemagne en nombre de médailles d’or. La réussite de la Corée du Sud, puissance économique émergente et organisatrice des Jeux de Séoul en 1988, devrait donner des raisons d’espérer aux pays les plus dynamiques du continent, qui ont compris que le sport est une excellente vitrine et un formidable moyen de souder la population derrière un objectif commun.
Un des tableaux de la cérémonie de clôture des JO de Londres, au stade olympique, le 12 août.
© Francois Xavier Marit/AFP
Comme le souligne The Economist, les Jeux de Londres ont démontré qu’un pays, le Royaume-Uni, pourtant en proie à une crise économique sans précédent, était en mesure de se transcender. « La Grande-Bretagne s’est regardée dans le miroir et s’en est trouvée flattée », conclut l’hebdomadaire britannique. Premier médaillé du Togo en 2008 aux Jeux de Pékin, le kayakiste franco-togolais Benjamin Boukpeti confirme cette nécessité de créer un « moment olympique » susceptible de changer le regard que l’Afrique porte sur elle-même. « On dit toujours que l’Afrique n’a pas de moyens, qu’on n’est pas bons, qu’on fait des mauvais JO. Après trois olympiades, je commence à prendre du recul. J’essaie d’aller vers les autres Africains pour voir comment ils fonctionnent, et surtout ce qu’on pourrait mettre en place pour partager nos expériences et nous améliorer ensemble. On s’appuie sur le Togo, mais on aimerait travailler avec les Ghanéens, les Béninois, les Burkinabè, en gardant nos spécificités et nos forces africaines », assure-t-il.
Querelles de village
Il avait déjà accueilli 80 000 visiteurs. Le premier village olympique africain de l’histoire des Jeux rencontrait un réel succès. Las, il a dû fermer ses portes avant la fin de l’olympiade, un différend opposant ses organisateurs – l’Association des Comités nationaux olympiques d’Afrique (Acnoa) et la société Pixcom – au fournisseur anglais des structures mises à la disposition des pays participants. Faute d’avoir vu sa facture (plus de 500 000 euros, selon la BBC) honorée, ce dernier a obtenu la fermeture du site après avoir cherché à récupérer son matériel. L’Acnoa et Pixcom évoquent pour leur part un chantage financier. « Ils nous ont dit qu’ils n’étaient "pas capables de tout faire". Nous avons donc engagé un autre prestataire, français, pour nous suppléer. Désormais, ils exigent d’être payés pour des prestations qu’ils n’ont pas assurées », explique-t-on à l’Acnoa. L’association dit ne pas vouloir passer deux fois à la caisse et envisager des suites judiciaires.
Mercenaires
Conserver ses forces vives, c’est aussi l’un des grands enseignements pour le continent. Combien de médailles perdues par des pays dont certains sportifs ont choisi de représenter une autre nation ! À Londres, la présence croissante de ces « mercenaires » du sport a fait prendre pleinement conscience de ce phénomène. Plus de un athlète britannique sur dix engagés dans les épreuves olympiques a obtenu sa nationalité dans la perspective des JO. Surnommés outre-Manche de façon quelque peu péjorative Plastic Brits (« Britanniques en toc »), ces hommes et femmes ont certes permis à la Grande-Bretagne de briller – elle figure sur la troisième marche du podium pour les médailles d’or -, mais ont aussi contribué à alimenter la polémique. En France, où le nombre de naturalisés est moins grand qu’au Royaume-Uni, on défend cette pratique. « Il ne faut pas critiquer les naturalisations, les athlètes qui rejoignent la France sont une richesse », affirme Bernard Amsalem, chef de la délégation à Londres. À l’instar de Benjamin Boukpeti, la Marocaine Nawal El Moutawakel, médaillée d’or sur 400 m haies aux Jeux de Los Angeles en 1984, ne cache pas son opposition. « Je suis contre, mais je comprends que certains franchissent le pas. Et puis, on ne peut pas aller à l’encontre de ce qui est un droit reconnu à tous », explique-t-elle.
Motifs économiques ou facilités d’entraînement expliquent cette fuite des muscles vers des contrées mieux loties. Les sept athlètes camerounais – cinq boxeurs, un nageur et une footballeuse – qui se sont évanouis dans la nature après leur arrivée à Londres ne diront sans doute pas le contraire. Hamad Kalkaba Malboum, président du Comité olympique camerounais, assure que la tendance des pays développés à offrir leur nationalité aux plus talentueux est de nature à favoriser ce type de comportement. De son côté, Jacques Rogge, le président du Comité international olympique, souhaite « réguler » cette pratique sans pour autant être en mesure de s’opposer aux lois en vigueur dans les pays « accueillants ». Dès lors, il importe aux nations concernées de s’assurer que leurs meilleurs talents restent. « Ce qu’on cherche, c’est développer le sport en général. L’idée, c’est d’apporter des réponses à toutes les questions qu’on se pose pour pallier les manques, notamment d’infrastructures, qui nous empêchent d’avoir de bons résultats », ajoute Boukpeti. L’enjeu est de taille, mais il est clair que les Jeux de Londres ont mis en évidence la nécessité de trouver à moyen terme des réponses satisfaisantes.
Vidéo : l’Afrique aux JO 2012, des images pour l’Histoire
Pillage
L’Afrique, dont on souligne désormais le dynamisme économique, ne doit plus accepter qu’on la pille de ses athlètes. De la même manière qu’ils commencent à refuser le diktat des entreprises étrangères dans la gestion de leurs richesses minières, les États du continent devraient s’assurer que leurs pépites sportives restent sous leur contrôle. À quatre ans de la prochaine olympiade, il y a urgence, même si chacun est conscient qu’il faudra beaucoup de temps pour y parvenir. « Cela se fera par étapes », explique Lassana Palenfo, le président de l’Association des comités nationaux olympiques d’Afrique (Acnoa). Volontaire, il défend l’idée d’une organisation de Jeux olympiques sur le continent. Le Brésil, pays émergent, n’est-il pas le futur hôte de l’événement le plus médiatisé de la planète ? Un rêve qui n’est sans doute plus inaccessible. À preuve, Raila Odinga, le Premier ministre kényan, a décidé de présenter la candidature de son pays à l’organisation des JO de 2024. « L’heure de l’Afrique a sonné. Pour le Kenya, moteur de l’économie en Afrique de l’Est, accueillir les Jeux olympiques aurait un effet psychologique positif, sans parler des énormes bénéfices qu’il en retirerait, en termes d’investissements et d’infrastructures », assure le chef du gouvernement, qui, apparemment, a tiré toutes les leçons de Londres 2012.
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