L’insulte faite à l’Arabe
Il fut un temps où insulter l’Arabe était considéré comme l’un des beaux-arts. Voyageurs sans bagage intellectuel, diplomates peu diplomates, rimailleurs poétant plus haut que leur pot, tous y allaient de leur épithète outrageante pour le caractériser. « Fourbe », « indolent », « cruel », « velléitaire », faites votre choix. Ma préférée reste celle-ci, éructée un soir de beuverie par un orientaliste anglais : « L’Arabe est le parasite du chameau. » Fermez le ban.
Vint alors Edward Said qui prouva de façon magistrale dans son ouvrage L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident (1978) que tout cela souffrait d’un vice majeur : l’essentialisme. Poser que l’Arabe a une essence particulière, différente de celle du « Slave » ou de l’« Européen », est un non-sens. Un non-sens intéressé : il s’agissait de l’abaisser pour mieux l’asservir, pour le coloniser. Said convainquit toute une génération – sauf les boeufs, bien entendu.
C’est ici qu’entre en scène l’Américain.
L’Américain, surtout lorsqu’il se nomme Mitt Romney, se croit intelligent dès qu’il arrive à prononcer un mot de trois syllabes. Il se prend pour un businessman parce qu’il a hérité de la fortune de papa. Sa spécialité ? Acheter des entreprises, virer les ouvriers, débiter, hacher, revendre, puis planquer l’argent dans des paradis fiscaux. Il n’oublie pas, le dimanche, d’aller à l’église. Dieu lui a suggéré, entre un Ave et trois Pater, de devenir président des États-Unis. Pour ce faire, il lui faut le vote juif même s’il méprise, au fond, les Juifs comme le wasp arrogant qu’il est. Le voilà donc en Israël, léchant, humectant, fuitant, bavant. Il a tôt fait de redécouvrir l’art ancestral de l’offense faite aux Arabes. « Si Israël est développé et la Cisjordanie ne l’est pas, c’est une question de culture », a-t-il déclaré la semaine dernière.
En d’autres termes, l’Arabe (« indolent », « velléitaire », etc.) est responsable de son malheur. Le fait que les Palestiniens vivent sous occupation militaire depuis près d’un demi-siècle, qu’ils ne disposent ni d’accès à la mer ni d’aéroport, qu’ils ne peuvent quasiment rien produire ni exporter, semble avoir échappé à la vigilance de cet orientaliste des temps modernes. Le fait qu’Israël reçoit bon an, mal an, 6 ou 7 milliards de dollars d’aide américaine (ce qui en fait en quelque sorte le parasite du chameau ricain) ne semble pas être entré dans son champ de vision. Pourquoi s’encombrer du réel ? Insultons l’Arabe, c’est moins compliqué.
Les nullités du genre Mitt Romney et leur racisme antiarabe finiraient par nous rendre à notre tour « essentialistes ». Résistons à la tentation. Allons, les Américains ne sont pas tous stupides et racistes. Il doit bien y en avoir quelques-uns qui ont d’autres horizons de pensée que l’insulte faite à l’Arabe…
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