En Algérie, le parti d’opposition FFS espère (enfin) sortir de la crise
Le Front des forces socialistes, le plus vieux parti algérien, vient de reconduire Youcef Aouchiche à sa tête. La fin d’une crise ouverte par la mort de Hocine Aït Ahmed en 2015 ?
Assiste-t-on à un retour à la normale pour le plus vieux parti d’opposition en Algérie, après plus de cinq ans d’une grave crise interne qui a failli le faire le disparaitre de la scène politique ? Au sortir de son sixième congrès ordinaire, qui a eu lieu les 9, 10 et 11 décembre, le parti fondé il y a 59 ans par Hocine Aït Ahmed semble avoir tourné la page des guerres fratricides et être parvenu à ramener un semblant d’unité dans ses rangs.
Deux décisions importantes ont été prises à la mi-décembre. En premier lieu, l’interruption de l’expérience – infructueuse –, longue de dix ans, d’une direction bicéphale partagée entre le premier secrétaire d’un coté et l’Instance présidentielle (IP) de l’autre. Celle-ci est même désormais supprimée des statuts du parti.
Ensuite, le FFS a décidé de la création d’un Comité collégial d’éthique (CCE), une nouvelle instance composée de 7 membres, qui aura pour mission de « veiller à l’unité du parti, l’application des textes, la ligne politique et l’éthique », a expliqué Djamel Bahloul, député et secrétaire national chargé de l’animation politique, précisant que ce comité « n’aura pas le pouvoir de nomination ».
Plébiscite pour Aouchiche
Autre décision importante, prise, cette-fois, par le Conseil national issu du même sixième congrès lors de la session extraordinaire de ce samedi 24 décembre à Cheraga (Alger) : le maintien à son poste, pour un nouveau mandat de quatre ans, du premier secrétaire, le sénateur Youcef Aouchiche.
Unique candidat à sa succession, Aouchiche, 39 ans, a obtenu l’écrasante majorité des suffrages des congressistes (196 voix, sur 215 exprimées). Un plébiscite pour Youcef Aouchiche, qui devient ainsi indéniablement le nouvel homme fort du parti d’opposition. Il concentre désormais entre ses mains presque tous les leviers de commande et a les coudées franches pour mener ses chantiers politiques comme bon lui semble. La présence lors du congrès, aux côtés du nouveau premier secrétaire, de Jugurtha Aït Ahmed, fils du leader historique du parti, constitue en outre une forme de caution morale à la nouvelle direction du FFS.
Le Conseil national a également élu les membres du CCE. Deux listes de 7 membres étaient en lice dans un scrutin interne remporté par celle de l’influent ancien député Djamel Bahloul, secrétaire national à l’animation du parti, qui a gagné les faveurs des membres du Conseil national avec 119 voix, au détriment de celle conduite par l’ancien coordinateur de l’Instance présidentielle, Hakim Belahcel, qui n’a récolté que 79 voix.
Le plus vieux parti d’opposition en Algérie a ainsi fait d’une pierre deux coups : se doter d’un seul et unique centre décisionnel et tourner la page de la crise interne dans laquelle il s’est englué au lendemain de la mort de son leader historique, Hocine Aït Ahmed, fin décembre 2015. Au cœur de cette crise, l’Instance présidentielle, une instance collégiale de 5 membres mise en place par Aït Ahmed en 2013 lorsqu’il avait décidé de se retirer de la gestion directe du parti.
Les racines de la crise
Vivant, Hocine Aït Ahmed, fort de son aura et du respect que lui vouaient les militants comme les dirigeants du parti, était parvenu à tenir la bride haute aux membres de cette instance. Mais à sa mort, les appétits de pouvoir qui se sont fait jour au sein de l’Instance dirigeante ont fait voler en éclat toute apparence d’unité. Il y a d’abord eu l’exclusion de Rachid Halit, en 2016, puis celle Salima Ghezali, ancienne députée et ex-conseillère politique de Hocine Aït Ahmed, en 2018, avant que le parti ne se divise en plusieurs clans. Il aura fallu attendre le congrès extraordinaire de juillet 2020 pour que le FFS puisse retrouver une certaine stabilité, avec la nomination de Youcef Aouchiche au poste de premier secrétaire national. Une fonction qu’il avait assumée auparavant à deux reprises en tant qu’intérimaire.
Le tandem Belahcel-Aouchiche s’était employé à repositionner le parti sur l’échiquier politique
Le tandem Belahcel-Aouchiche s’était alors employé à remettre de l’ordre dans le parti et à repositionner celui-ci sur l’échiquier politique algérien. Première décision des deux hommes, en 2020 : le retrait du FFS des forces du Pacte de l’alternative démocratique (PAD), un conglomérat de partis et organisations de la mouvance démocratique, au motif que ce conglomérat est « un cadre restreint qui n’est pas en mesure de constituer une alternative démocratique », avait alors asséné Djamel Bahloul.
Remis en selle ?
Moins de quinze jours plus tard, le parti avait récupéré, à la suite d’une action en justice, son siège national, occupé jusque-là par une faction rivale au sein du parti, menée par Belkacem Benameur. Début février 2021, Belahcel et Aouchiche les avaient été reçus en audience par le président Tebboune, dans le cadre des concertations lancées par le président algérien.
En septembre 2021, le FFS avait pris part aux élections locales de novembre, remportant 898 sièges dans 47 communes et 40 sièges au sein des Assemblée populaires de wilayas à Tizi Ouzou et Béjaia. Un repositionnement qui n’a pas manqué de provoquer bien des grincements de dents et certains détracteurs du duo Belahcel-Aouchiche étaient allés jusqu’à présenter le recadrage imprimé à la ligne du parti comme un « deal » contracté avec Tebboune. Deux ans plus tard, force est de constater que les deux responsables du FFS semblent pourtant bien être parvenus à sauver leur parti du purgatoire, voire même à le remettre en selle.
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