Égypte : Namir Abdel Messeeh, le parti d’en rire
Le premier long-métrage de ce jeune réalisateur d’origine égyptienne sort en août. Sur un sujet délicat : les apparitions de la Vierge chez les Coptes !
Le français de Namir Abdel Messeeh a des intonations parisiennes. Mais, au premier coup d’oeil, ses interlocuteurs devinent ses origines égyptiennes, sans doute en raison des traits de son visage, de ses cheveux noirs bouclés et de son teint mat propres aux habitants de la Haute-Égypte. Une région d’où est originaire sa famille et où le réalisateur, adolescent, retournait lors des vacances d’été. C’est d’ailleurs dans le village de sa mère, à Om Douma, dans les environs d’Assiout, qu’a été tournée une grande partie de La Vierge, les Coptes et moi, premier long-métrage de Namir Abdel Messeeh, qui sort en France le 29 août. Parti en Égypte pour réaliser un documentaire sur les apparitions de la Vierge Marie, Namir a fini par mettre en scène l’apparition, avec l’aide de sa mère, venue à la rescousse.
Le « Woody Allen copte » mérite bien le surnom que lui a attribué le quotidien français Le Monde. Son film, pétillant d’autodérision, traite sur un ton léger de questions existentielles en rapport avec la foi religieuse et l’appartenance identitaire. La Vierge, les Coptes et moi a d’ailleurs été remarqué lors de plusieurs festivals. Dernier en date : celui d’Ismaïlia, en juin, où le long-métrage a raflé les prix de la réalisation, de la critique et du meilleur documentaire. En octobre 2011, à Doha (Qatar), il avait obtenu le prix du meilleur film documentaire arabe.
Sa famille, une source d’inspiration
Né en 1974 en France, Namir Abdel Messeeh a été confié jusqu’à ses 2 ans à une tante maternelle habitant en Haute-Égypte. Le temps pour ses parents, installés en France depuis 1973, de stabiliser leur situation financière. « Ils sont partis de zéro, ils se sont construits seuls, raconte ce père de deux enfants. Ce qui explique pourquoi ma relation avec eux était compliquée. Mon père voulait absolument que ma soeur et moi soyons médecin ou ingénieur. Quand je lui ai dit que je voulais faire du cinéma, ce n’était pas rassurant pour lui. » L’artiste a depuis fait de sa famille l’une de ses principales sources d’inspiration. « Je pars de l’intime et du personnel, c’est un bon point de départ pour aborder des sujets beaucoup plus vastes. En cherchant à offrir des films dans lesquels n’importe quel spectateur peut trouver sa place », affirme le cinéaste, qui en 2005 déjà, dans son second court-métrage, Toi, Waguih, s’intéressait au parcours de son père communiste, emprisonné sous Nasser au début des années 1960.
« Je ne sais pas si mes parents sont contents de mes films, mais ils sont contents de leur réussite et de l’accueil qui leur est réservé, avance Namir, même si je suis dans une démarche radicalement opposée à l’éducation qu’ils m’ont donnée. Mon père est devenu hostile à tout ce qui peut entraîner du changement. Il me dit : « Tu vas encore chercher des problèmes. » Ma mère, elle, va penser que je fais n’importe quoi, mais le lendemain venir me donner un coup de main. »
À cheval entre deux cultures
Sans doute, comme pour beaucoup de binationaux, a-t-il fallu du temps au réalisateur franco-égyptien pour accepter sa situation, à cheval entre deux pays et deux cultures. Durant sa jeunesse, il a même renié ses deux nationalités. « Après, tu grandis, tu apprends à faire la synthèse et à t’emparer de ce qui est bon partout. Je possède une richesse que les autres n’ont pas, être deux », reconnaît Namir Abdel Messeeh, qui souhaite continuer à travailler sur un projet concernant son pays d’origine. « C’est difficile d’être égyptien, ils sont très courageux. Dans ce pays, les habitants sont habitués à se faire humilier et la vie d’un étranger y vaut plus que celle de 100 Égyptiens », regrette-t-il. Et s’il a accueilli la révolution égyptienne avec beaucoup de fierté, il attend de voir quelle direction le pays va prendre. « Il y a un combat pour la liberté. Mais il y a aussi des problèmes économiques et sociaux. Dans ma famille, rien n’a changé depuis la révolution. À la campagne, ils ont toujours autant de difficultés pour vivre. »
À 37 ans, Namir Abdel Messeeh n’a jamais réellement vécu de son art. « On étudie la fabrication des films d’un point de vue artistique et technique, mais l’insertion dans l’industrie, sur le plan économique, c’est compliqué pour moi et les réalisateurs de ma génération », déplore-t-il. Diplômé en 2000 de l’École nationale supérieure des métiers de l’image et du son (Femis) après avoir obtenu un BTS en audiovisuel, le cinéaste a beaucoup travaillé dans le milieu scolaire, animant des ateliers de cinéma dans des collèges et des lycées. Depuis près de onze ans, il est également vendeur à temps partiel chez Darty, au rayon télévisions. Mais sa situation est peut-être sur le point de changer : « Je viens de poser un congé. Je leur ai dit : « C’est pour six mois, mais j’espère que ce sera un congé permanent » », explique-t-il en souriant.
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