Rita Yahan-Farouz, l’arme de distraction massive

En chantant en persan, la langue de son enfance, la reine de la pop israélienne fait un énorme carton à Tel-Aviv, à New York et… à Téhéran. Du jamais vu.

Publié le 11 août 2012 Lecture : 3 minutes.

Elle peut en éprouver de la joie, la chanteuse la plus populaire d’Israël. Rita, celle qui a représenté le pays du lait et du miel à l’Eurovision en 1990, celle qui a prêté sa voix à l’héroïne de Disney Pocahontas pour la version en hébreu, celle qui a eu le privilège d’interpréter l’hymne israélien, Hatikva, pour le cinquantenaire de l’État hébreu, de donner un concert à la résidence officielle du chef de l’État, Shimon Pérès, en 2010, celle, en somme, à qui tout sourit depuis presque trente ans a réussi l’exploit de réconcilier, le temps d’un album, sa terre d’accueil et son pays natal, l’Iran.

Née à Téhéran en 1962, la petite Rita Yahan-Farouz a grandi avec des rêves de star plein les yeux. Elle a 8 ans quand, à la suite d’un incident à l’école impliquant sa soeur, ses parents décident de quitter le pays. Cap sur Tel-Aviv, la terre promise pour cette famille juive iranienne aux revenus modestes. Une terre où elle va pouvoir donner libre cours à ses passions, le chant et la scène, et entamer une carrière – qui sera jalonnée de récompenses – pour finalement entrer, à 50 ans, dans le club des divas – même si elle n’aime pas l’expression -, encore au sommet.

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Alors que restait-il à accomplir pour cette femme épanouie, mère de famille, adulée pour sa musique en Israël et à travers le monde ? « Au départ, je voulais faire un disque de world music, raconte-t-elle à propos de son dernier album. Mais je me suis vite rendu compte que je ne choisissais que des chansons de mon enfance ou des mélodies que fredonnait ma mère, et cela a donné un album en persan. » Le premier.

La diva surprise

La suite de l’histoire, personne ne l’a vue venir. Son dernier disque, My Joys, sorti en décembre 2011, fait un carton non seulement en Israël, mais aussi au pays des ayatollahs, nonobstant la censure du régime. Que « Beegharar », « Shah Doomad » ou « Shane » passent sous leur forme originale ou revisités à la sauce électro, son interprétation du répertoire des plus grands artistes persans fait l’unanimité auprès de la jeunesse des deux nations. Du jamais vu jusqu’à présent. Il n’en fallait pas moins pour que Rita soit proclamée « ambassadrice de la paix entre Téhéran et Tel-Aviv » par nombre de fans et d’observateurs, à la grande surprise de l’intéressée.

Une unanimité qui vient à point nommé quand on connaît le climat de quasi-guerre froide dans lequel se trouvent les deux pays. Israël cherche toujours à obtenir le soutien de Washington concernant une série de frappes préventives contre des sites nucléaires iraniens, et le vice-Premier ministre israélien Moshe Yaalon affirmait encore il y a peu qu’au train actuel où allaient les choses « le moment de vérité sera[it] bientôt arrivé ». Le Guide suprême, Ali Khamenei, a quant à lui rétorqué que « la foudre s’abattrait sur la tête des Israéliens s’ils venaient à prendre les mauvaises décisions ».

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Un pont

Conscients de l’imminence du danger, nombreux sont les anonymes qui tentent actuellement d’apaiser les tensions, notamment par l’intermédiaire de l’art, à l’image du collectif United4Iran, qui regroupe des artistes de tout le monde arabe, ou, plus récemment, via la campagne « We love you Iran », lancée par un designer israélien et propagée sur la Toile par ses compatriotes. Mais le phénomène Rita est d’une tout autre ampleur. C’est la première fois qu’un message pacifique relayé par une personnalité étrangère à la scène politique rencontre un tel écho en Israël, ce qui est évidemment dû à l’envergure médiatique de la chanteuse dans le pays.

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Se réjouissant de représenter un terrain d’entente – le seul ? – pour les deux cultures chères à son coeur, Rita confiait lors d’un récent concert aux États-Unis (où son album est sorti en mars) que « la musique peut être un pont, quand bien même des régimes autoritaires construisent des murs entre nous ». Peut-on aussi y voir une allusion à un autre mur, bien réel celui-là ? Quoi qu’il en soit, la diva n’a pas fini de charmer les foules et d’adoucir les moeurs. Il se murmure même que, parfois, derrière les hautes enceintes du palais Sa’dabad, Mahmoud Ahmadinejad improvise quelques pas de danse sur les airs et la voix de la belle Rita. 

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