Algérie : des champions pour l’éternité

JO de Tokyo, 1964. Le drapeau national flotte pour la première fois sur une enceinte olympique. Membre unique de la délégation algérienne, le gymnaste Mohamed Lazhari représente symboliquement son pays, indépendant depuis deux ans. Que de chemin parcouru depuis, jusqu’à la superbe victoire de Taoufik Makhloufi sur 1 500m aux JO de Londres.

L’Algérien Taoufik Makhloufi, vainqueur de la finale du 1500 m, le 7 août 2012 aux JO de Londres. © Adrian Dennis/AFP

L’Algérien Taoufik Makhloufi, vainqueur de la finale du 1500 m, le 7 août 2012 aux JO de Londres. © Adrian Dennis/AFP

Publié le 9 août 2012 Lecture : 5 minutes.

Longtemps avant l’indépendance de l’Algérie, le sport avait fait vibrer la fibre patriotique avec l’affirmation de nombreux athlètes et champions musulmans, et ce dans plusieurs disciplines. Les exploits du boxeur Chérif Hamia, champion d’Europe et vice-champion du monde des poids plume en 1957, ou ceux du cycliste Abdelkader Zaaf dans les années 1940 et 1950 ont alimenté en leur temps la chronique sportive et les débats dans les cafés maures. Certains ont même été sacrés champions olympiques à l’instar des marathoniens Ahmed Boughéra el-Ouafi, lors des Jeux de 1928, à Amsterdam, et Okacha Mimoun, rebaptisé Alain, natif du Telagh, dans l’Oranie, victorieux à Melbourne en 1956.

Nationalisme

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Après le déclenchement de la guerre de libération (1er novembre 1954-19 mars 1962), plusieurs sportifs rejoignent le maquis. Certains y laisseront la vie, comme le footballeur Souidani Boudjemaa, valeureux chef militaire de l’Armée de libération nationale (ALN), qui avait évolué au début des années 1950 au sein de l’Espérance sportive de Guelma. D’autres footballeurs professionnels font la guerre « balle au pied » après que le Front de libération nationale (FLN) a provoqué la défection de nombreux titulaires dans les grandes équipes du championnat de France. Tournant le dos à la gloire et à l’argent, ces joueurs préfèrent constituer la première équipe de football de l’Algérie combattante. La sélection du FLN est ainsi composée de remarquables individualités et même de certaines stars, à l’image de Rachid Mekhloufi, attaquant vedette de l’AS Saint-Étienne, ou de Mustapha Zitouni, qui a joué à plusieurs reprises sous le maillot tricolore. La sélection du FLN effectue de nombreuses tournées victorieuses en Asie, en Europe de l’Est et dans les pays arabes.

Parmi les exploits les plus retentissants, la victoire face à l’Allemagne de l’Ouest (2-1), lors du Mundial 1982, en Espagne (ici, Mustapha Dalheb, en vert, face à l’Allemand Paul Breitner).

© AFP

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Après l’indépendance, les pouvoirs publics algériens accordent à la pratique du sport une place importante en lui assignant un rôle majeur dans l’éducation et l’encadrement de la jeunesse, avec comme corollaire le rehaussement du prestige de l’Algérie sur la scène internationale. Les premiers résultats probants sont enregistrés lors des Jeux méditerranéens d’Alger, en 1975. Le pays avait fait construire pour la circonstance un complexe olympique omnisports exceptionnel tant par son gigantisme que par la qualité de ses installations. Des ­athlètes de niveau mondial s’y révéleront ; Boualem Rahoui frôle le record du monde du 3 000 m steeple et s’adjuge la médaille d’or, les boxeurs Hocine Nini et Mohamed Missouri en font autant, puis, comble de bonheur, l’Algérie se hisse sur la plus haute marche du podium en football, qui plus est en battant en finale l’adversaire rêvé : l’équipe de France (3-2 après prolongations). 

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L’âge d’or du sport algérien débute à la fin des années 1970 et se poursuit tout au long de la décennie suivante. Les athlètes, toutes disciplines confondues, récoltent les premiers fruits de la réforme sportive instaurée en 1977 : séparation entre sport de masse et sport d’élite, apport de techniciens étrangers de haut niveau venus dans le cadre des accords de coopération, notamment avec les pays du bloc socialiste, en pointe dans plusieurs disciplines.20px;" />

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Parrainage

Les sportifs les plus doués sont regroupés dans des associations sportives de performance (ASP), elles-mêmes parrainées par les plus grandes entreprises publiques. D’énormes moyens matériels et financiers sont alloués par l’État, et les résultats ne tardent pas. En 1978, une année après la mise en oeuvre de la réforme, l’Algérie organise avec succès les Jeux panafricains. Mais l’exploit qui perdure dans la mémoire collective reste incontestablement la première qualification de l’Algérie à une Coupe de monde de football, le Mondial espagnol, en 1982, et sa victoire historique face aux champions d’Europe ouest-allemands – et futurs finalistes du tournoi – à Gijón (2-1). Il aura fallu un match arrangé entre Allemands et Autrichiens pour empêcher l’Algérie d’accéder au tour suivant. De cette injustice naîtra une nouvelle règle de la Fifa qui oblige toutes les équipes à jouer les derniers matchs de poule le même jour à la même heure. L’Algérie récidive quatre ans plus tard en se qualifiant pour la deuxième fois consécutive à une phase finale de la Coupe du monde. C’était au Mexique, en 1986.

Aux Jeux olympiques, baromètre de la santé sportive pour toutes les nations, il faut attendre l’édition de 1984, à Los Angeles, pour voir l’Algérie indépendante glaner ses premières médailles. Elles sont en bronze, mais comblent de joie le peuple algérien. Lequel attendra encore huit longues années avant d’entendre l’hymne national retentir dans une enceinte olympique. Une première fois grâce à Hassiba Boulmerka, qui remporte la finale du 1 500 m à Barcelone, en 1992 (voir photo ci-dessus, © AFP). Lors de l’édition suivante, à Atlanta, Noureddine Morceli décroche l’or sur 1 500 m (voir photo ci-dessous), imité par le boxeur feu Hocine Soltani dans la catégorie des poids légers.

Cinq décennies de sport dans l’histoire d’une nation ne peuvent se dérouler sans anicroche. L’explosion sociale d’octobre 1988 et la libéralisation économique qui s’ensuit mettent un terme à la réforme sportive et, par là même, à ses bienfaits. Abandonné par l’État, le sport, faute de ressources suffisantes et de stabilité – la longévité du ministre des Sports excédait rarement une année -, amorce un long déclin marqué par une gouvernance approximative des différentes fédérations. Les luttes intestines et les querelles d’ego font le reste. L’Algérie n’arrive plus à tenir son rang de puissance sportive jusqu’aux compétitions régionales. Ses participations aux joutes arabes et africaines sont sans relief ni résultat probant.

Noureddine Morceli, médaille d’or sur 1 500m aux JO d’Atlanta, en 1996.

© DR

Objectif : Brésil 2014

Paradoxalement, les années 1990 apportent à l’Algérie, malgré la tragédie effroyable du terrorisme, de nombreuses satisfactions sur le plan sportif. Le pays continue de vivre malgré tout. Le sport aussi. Des jeunes femmes, malgré les intimidations et crimes des Groupes islamiques armés (GIA), continuent de fréquenter les pistes d’athlétisme, les parquets des salles omnisports, les tatamis de judo et les terrains de football.

Le sport algérien a certes un passé glorieux, mais il a aussi un avenir, comme l’a montré le onze national, qui s’est qualifié pour la Coupe du monde 2010, organisée en Afrique du Sud, après un match de barrage épique à Oum Dourman, au Soudan, face à l’Égypte. Cette qualification a redonné fierté et bonheur à une jeunesse en mal de repères qui espère que les Fennecs rééditeront l’exploit pour le Mondial de 2014, au Brésil, terre de football par excellence. 

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