Mohamed Benchaaboun, Banque populaire : « Nous ne sommes pas des débutants »
De retour d’une tournée subsaharienne, Mohamed Benchaaboun, le patron du groupe mutualiste marocain Banque populaire, explique la stratégie de développement à moyen terme de Banque Atlantique, sa dernière acquisition.
Fin novembre, Mohamed Benchaaboun a sillonné l’Afrique de l’Ouest. L’occasion de présenter aux chefs d’État Ibrahim Boubacar Keïta (Mali), Blaise Compaoré (Burkina Faso) et Faure Gnassingbé (Togo) le plan de développement 2014-2016 de Banque Atlantique, le groupe dont Banque populaire a racheté la moitié du capital il y a un an. Réputé discret, voire méfiant, le PDG, 52 ans, a fendu un peu l’armure pour Jeune Afrique.
Jeune afrique : Standard & Poor’s a abaissé la note de Banque populaire pour vous reléguer en catégorie spéculative. Êtes-vous inquiet ?
Mohamed Benchaaboun : Il n’y a pas de raison. Cette baisse d’un cran est consécutive à celle de la note souveraine du Maroc pour la dette en monnaie locale. Nous gardons une bonne dynamique.
Pourtant, les risques bancaires augmentent fortement au Maroc…
Effectivement. Mais dans l’ensemble du système bancaire, le taux de crédits en souffrance est de l’ordre de 5,5 %, ce qui ne compromet pas la santé financière des banques marocaines.
Pourquoi les trois premières banques du royaume se sont-elles lancées dans l’aventure africaine ?
En raison des relations historiques entre le Maroc et l’Afrique de l’Ouest, et parce que certains opérateurs marocains ont atteint une taille suffisante pour se développer hors du royaume.
Vous n’avez réellement commencé à vous impliquer sur le continent qu’en 2012, avec l’acquisition de la moitié de Banque Atlantique. Avez-vous rattrapé vos aînés, Attijariwafa Bank et BMCE Bank ?
Banque populaire est implanté en Afrique subsaharienne depuis plus de vingt ans, en Centrafrique et en Guinée. Notre expérience est donc ancienne, nous ne sommes pas des débutants.
Banque Atlantique représente déjà 11 % de vos revenus. Êtes-vous satisfait ?
En entrant dans ce groupe, nous avons injecté 56 milliards de F CFA [85,4 millions d’euros] pour renforcer les fonds propres. Les résultats actuels et une nouvelle dynamique de croissance prouvent la pertinence de ce choix. Les crédits à la clientèle de Banque Atlantique se sont appréciés de 18 % au premier semestre de 2013. Parallèlement, les créances en souffrance ont reculé. Le produit net bancaire [PNB] de Banque Atlantique a bondi de 16 % sur une année glissante. Notre objectif est d’atteindre 15 % de hausse annuelle des bénéfices d’ici à 2018.
Au premier semestre, Banque Atlantique a plombé vos frais généraux. Envisagez-vous un plan social ?
Le développement de son PNB a été suffisamment rapide pour que le coefficient d’exploitation baisse de 9 % sur les douze derniers mois. Dans trois ans, Banque Atlantique sera exactement aux normes du groupe Banque populaire. Il n’y aura ni licenciements ni plan social.
Dans certains pays, une poignée de clients représentent une grande partie des risques…
Cette situation reflète la structure des économies régionales. Notre groupe a d’ailleurs apporté son expertise dans la gestion des risques, en mettant en place un certain nombre de procédures et de délégations de pouvoir en matière de gestion des crédits.
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Certains des pays dans lesquels vous êtes présents comptent plus de vingt banques. Vous attendez-vous à un mouvement de concentration et y participerez-vous ?
S’il y en a un, nous y participerons. Il serait souhaitable de parvenir à une véritable concentration dans la zone, le nombre de banques devant rester proportionnel à la taille de l’économie. Le système bancaire n’est efficace que s’il dispose d’une assise financière solide.
Envisagez-vous de vous séparer du directeur général de Banque Atlantique, qui a gardé son poste ?
Non, Souleymane Diarrassouba, l’actuel directeur général, fait du bon boulot. Et l’encadrement était de haut niveau, nous l’avons juste renforcé avec des cadres de Banque populaire. Les voyants sont au vert et la synergie avec la maison mère est parfaite.
Vous êtes un groupe bancaire de masse. Comment augmenterez-vous le nombre de clients au sud du Sahara ?
Nous avons déjà lancé une offre pour les particuliers en Côte d’Ivoire et récemment au Sénégal. Les premiers chiffres sont encourageants. Et puis il y a un marché : au Maroc, le taux de bancarisation dépasse 55 %, contre 7,5 % en Afrique de l’Ouest.
Attawfiq Micro-Finance, votre filiale de microcrédit, va-t-elle s’installer au sud du Sahara ?
Oui, mais pas sur l’ensemble du réseau. Nous commencerons par la Côte d’Ivoire dès 2014, et si cette expérience s’avère fructueuse, nous envisagerons un déploiement dans les autres États où intervient Banque Atlantique.
Avez-vous prévu des implantations dans certains pays d’Afrique de l’Ouest, le Ghana ou la Sierra Leone par exemple ?
L’année 2013 a été consacrée à la consolidation et à l’organisation des postes de gestion de Banque Atlantique. En 2014, il sera possible d’envisager de nouvelles implantations, en fonction des occasions qui se présenteront.
Allez-vous vous retirer de pays fragiles comme la Centrafrique pour vous concentrer sur d’autres opérations en Afrique centrale ?
Nous sommes présents en Centrafrique depuis vingt-deux ans et nous continuerons d’accompagner ce pays. Nous ne nous retirons jamais d’un État où nous sommes implantés. L’an prochain, nous ouvrirons le dossier de la région de la zone Cemac [Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale] plus largement.
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