Tunisie : maux de ventre

Publié le 14 août 2012 Lecture : 2 minutes.

La ressemblance est frappante entre le derviche de Voltaire distillant sa sagesse et Cheikh Rached Ghannouchi, leader d’Ennahdha, qui, du haut de son minaret, se régale de l’exportation de sa révolution islamiste en Égypte et dans les contrées orientales. En ces journées de canicule, les Tunisiens subissent des coupures d’eau et d’électricité, ce qui fait dire à un malin observateur « on s’attendait à la coupure de la bière, on a eu la coupure de l’eau ».

Huit mois après leur intronisation, le président du gouvernement (Hamadi Jebali) et celui de la République (Moncef Marzouki) ne savent plus à quel saint se vouer. Le premier multiplie les lapsus linguæ, de son « sixième califat », formulé lors d’un discours à Sousse, à sa « dictature naissante » (au lieu de « démocratie naissante »), annoncée à l’ouverture du congrès de son parti Ennahdha en juillet. Comme le faisait jadis Ronald Reagan, M. Jebali parle sept fois avant de tourner une fois la langue dans sa bouche.

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Le second, désormais locataire provisoire du palais de Carthage, congédie le gouverneur de la Banque centrale sans savoir pourquoi et sans qu’il fasse lui-même la différence entre PNB (produit national brut) et PIB (produit intérieur brut). Trois de ses proches conseillers ont déjà démissionné, sans oublier le ministre Mohamed Abbou, affilié au parti présidentiel. Le docteur Marzouki ne porte pas la cravate mais affectionne les voitures noires blindées et l’avion personnel de Ben Ali, dont il a fait sa deuxième résidence, sautant d’un aéroport à l’autre. Son cousin lointain, le poète populaire Ali Lassoued Marzouki, a dit à la télé : « Mon cousin est tombé dans une mare. » Les autres canards de la mare se disputent le leadership. Après avoir livré Baghdadi Mahmoudi, l’ancien Premier ministre de Kadhafi, à une « méchoui party » à Tripoli, ils s’entredéchirent, l’un accusant l’autre d’empiétement. Mais le docteur Mustapha Ben Jaafar (président de l’Assemblée constituante) se montre très docile face aux islamistes dans l’espoir d’accéder, le 20 mars prochain, au palais de Carthage grâce à leur appui.

Voici donc la Tunisie dirigée par deux médecins, mais qui se sent malade. De quoi ? De tout. Tel le tambour du village, le célèbre patient du docteur Knock, dans la pièce de Jules Romains, il ne sait pas encore si ça le chatouille ou si ça le grattouille… Le mal est partout : amas d’immondices dignes du Moyen Âge, constructions anarchiques, trottoirs défoncés, hausse des prix, insolence du citoyen (la mère du fameux Bouazizi a insulté un magistrat et s’est retrouvée en prison)… Les salafistes dictent leur loi à l’intérieur du pays. Dès que la police arrête l’un d’eux, la justice le libère le lendemain, au grand dam de la société. Leurs femmes, cachées sous le niqab, déboulent en ville comme des obus noirs bombardant un champ de jasmin.

Morale de l’histoire, dirait Candide : « On rêvait avec cette révolution de manger des mangues, on mange hélas des topinambours. » 

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