Véronique Tadjo : « L’Afrique du Sud est un laboratoire en pleine ébullition »
Pour la romancière franco-ivoirienne Véronique Tadjo, l’Afrique du Sud est avant tout une « autre Afrique ». Interview.
Afrique du Sud : nouvel eldorado subsaharien
Née à Paris d’un père ivoirien et d’une mère française, Véronique Tadjo a ensuite grandi et étudié en Côte d’Ivoire, puis vécu aux États-Unis, au Mexique, au Nigeria, au Kenya et en Grande-Bretagne. Avant de s’installer en Afrique du Sud en 2007 pour diriger le département de français à l’université du Witwatersrand de Johannesburg. Poète, romancière, peintre et auteur de livres pour enfants, son sentiment sur l’Afrique du Sud est mêlé.
Jeune Afrique : Pourquoi êtes-vous venue en Afrique du Sud ?
Véronique Tadjo : Je suis un produit du voyage et j’ai toujours voulu connaître ce pays. J’aurais pu venir dès 2001, mais le passé douloureux de l’apartheid était encore trop récent.
Comment définissez-vous ce pays ?
Lire aussi : L’Afrique du Sud, nouvel eldorado subsaharien.
C’est une autre Afrique, différente, qui vous oblige en permanence à vous remettre en question. Ce pays est en construction, l’histoire est récente et c’est une sorte de laboratoire en pleine ébullition. C’est différent du reste du continent, où c’est encore trop souvent le mode « un pas en avant, un pas en arrière » qui règne. Ici, on croise constamment des gens qui se battent pour construire un avenir, des idées neuves et des choses concrètes.
Pensez-vous qu’en choisissant de vivre et de travailler en Afrique du Sud vous participez à l’essor du continent ?
Absolument. Je suis africaine et je me sens panafricaniste. Vivre ici au moment où l’Afrique du Sud se bâtit est un vrai privilège. Ce qui se passe ici aura un impact sur tout le continent.
L’élection de la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma à la tête de l’Union africaine aura-t-elle un impact ?
Nous avons besoin d’une puissance régionale déployant une vision pour le continent. Le Nigeria pourrait tenir ce rôle, mais il a trop de problèmes internes. L’Afrique du Sud, elle, est en mesure de remplir cette fonction, mais je réfute l’idée qu’elle soit pour autant une puissance impérialiste. Même s’il est vrai que, lorsque la compagnie de téléphonie MTN lance une publicité en Côte d’Ivoire avec le slogan « Everywhere you go » (« partout où vous irez ») sans se soucier de le traduire, cela peut alimenter des réserves légitimes. La méfiance à l’égard du leadership sud-africain repose aussi sur la crainte réelle du « Blanc caché » : derrière les Noirs au pouvoir se cache un pouvoir économique afrikaner.
Comment interprétez-vous l’attitude de l’Afrique du Sud à l’égard du continent ?
Elle ne sait pas ce qu’elle veut. D’un côté elle souhaite le représenter dans les instances internationales et être un centre financier ; de l’autre, elle ne parvient pas à régler ses problèmes de xénophobie. Lorsque le gouvernement n’arrive pas à satisfaire les demandes de la population, la tension envers les étrangers est une diversion bien commode. Après les violences de 2008, il n’y a eu aucun procès, aucune volonté politique affichée de lutter contre ce fléau. C’est pour moi une grande déception.
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Propos recueillis par Alexandra Duval-Smith
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