Mali : le cauchemar d’Aguelhok

Publié le 10 août 2012 Lecture : 2 minutes.

Le 29 juillet, trois mois après l’entrée triomphale des milices islamistes inféodées à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) dans les trois grandes régions du Nord-Mali, la charia a fait ses premières victimes. Un couple, qui avait eu deux enfants hors mariage, a été lapidé à mort à Aguelhok. Un cadi, juge religieux au cursus des plus sommaires, a prononcé la sentence à l’issue d’une « enquête » menée par la police islamique de la ville de Kidal, occupée par Ansar Eddine – une milice touarègue dirigée par Iyad Ag Ghali. Pour marquer les esprits, les moudjahidine ont contraint la population à assister à cet acte de barbarie.

Bourgade de 3 000 âmes située à 150 km de Kidal, Aguelhok avait déjà subi un premier traumatisme, en janvier, lorsque, après un siège de plusieurs jours, une centaine de soldats de l’armée malienne avaient été froidement égorgés ou décapités par les combattants d’Ansar Eddine. La ville est devenue un lieu maudit, vidé de sa population, laquelle s’est massivement réfugiée en Algérie, distante de 300 km. Son nom est désormais associé à l’application d’une charia inhumaine, implacable qui est aussi à géométrie variable. Pour un « crime » similaire, le cadi de Tombouctou s’est montré plus « clément », ordonnant qu’on administre quarante coups de fouet à un couple « ayant vécu dans le péché » avant de le marier et de lui offrir 100 000 F CFA (150 euros). À Aguelhok, les « pervers » ont perdu la vie, laissant derrière eux deux orphelins dans le seul but de complaire à Dieu…

Lire nore dossier spécial "Charia : enquête sur une psychose".

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Interdiction de jouer au football, destruction des stocks de tabac et d’alcool, coups de fouet aux amateurs de cigarettes, brimades contre les femmes « insuffisamment voilées »… Jusque-là, la charia d’Ansar Eddine ne tuait pas. Dans les colonnes de J.A. (n° 2690), Omar Ould Hamaha, le chef militaire du mouvement à Gao, avait reconnu que la société malienne n’était « pas encore prête pour son application rigoureuse », qu’il s’agisse « de l’amputation des mains des voleurs ou de la lapidation pour adultère ». Comme si l’on pouvait se préparer à une telle cruauté. L’Algérien Abdelmalek Droukdel, alias Abou Moussab Abdelwadoud, émir d’Aqmi, avait même recommandé à ses ouailles maliennes une mise en oeuvre progressive de la charia afin de ne pas heurter les pratiques locales. Mais si son lieutenant au Sahel, Mokhtar Belmokhtar, alias Laouar (« le Borgne »), désormais installé à Gao, se montre lui aussi réservé, c’est pour des raisons beaucoup plus mercantiles. En apprenant l’exécution d’Aguelhok, il a, dit-on, pesté contre Ansar Eddine et maugréé : « Cette affaire n’est pas bonne pour le business. » Reste à savoir comment mettre fin à cette imposture et, surtout, à ce cauchemar.

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NDLR : depuis la rédaction de cette tribune, parue dans le J.A. n° 2691, la Nord a été le théâtre d’une nouvelle barbarie, à Ansongo (près de Gao) : l’amputation de la main d’un voleur présumé.

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