Cameroun : Dominique Saatenang, Afro Shaolin
Premier Africain formé par le fameux monastère, le Camerounais Dominique Saatenang veut promouvoir les relations Chine-Afrique.
Il s’appelle Dominique Martin Saatenang, mais vous pouvez l’appeler « le Bruce Lee noir ». Ou, mieux encore, Shi Yan Mai. Ce Camerounais de 37 ans est le premier Africain moine Shaolin. Son initiation, il l’a suivie au temple Shaolin, le vrai, perché sur les hauteurs du Henan, dans l’est de la Chine. Le saint des saints du kung-fu, pardon, du wushu, « parce que kung-fu signifie maîtrise du savoir », corrige l’intéressé.
En France, son pays d’adoption, le moine troque volontiers la robe orange et le thé contre un costume noir et un soda. Mais ce sont là les seules entorses à son régime. « Ce que les moines vous inculquent s’imprime dans votre chair. Vous n’arrivez plus à vous en détacher », explique-t-il avant de raconter une journée type au temple : réveil aux aurores, méditation, petit déjeuner sommaire, puis début de l’entraînement, une série d’exercices plus compliqués les uns que les autres, destinés à forger le corps et l’esprit. « L’un de ces exercices consistait à descendre et gravir la montagne à quatre pattes, les gravillons plantés dans la chair », raconte-t-il en souriant.
Né à Dschang, en pays bamiléké, Dominique Saatenang se voyait footballeur : « Mon père voulait que je sois le prochain Roger Milla. » Il a suffi d’un film pour que tout change : Opération dragon, avec en tête d’affiche l’Américain d’origine chinoise Bruce Lee. Alors en classe de 6e à Douala, le petit Dominique abandonne les tournois scolaires pour se consacrer à sa nouvelle passion.
Les dojos sont rares dans la capitale économique du Cameroun, mais il finit par se dégoter un professeur, Serge Njoh, avec qui il travaillera pendant six ans. La trentaine, Njoh a appris les arts martiaux en regardant des films et en s’entraînant avec les Asiatiques de passage à Douala. En 1990, après avoir déménagé au Gabon avec sa famille, Saatenang rencontre par hasard un Chinois lors de son footing matinal. « Il ne parlait pas français, mais on est parvenus à communiquer par gestes. On a travaillé ensemble tous les jours pendant un an et demi. » Autre rencontre déterminante : celle du Dr Huang Peng, propriétaire d’une clinique à Libreville. « Il a accepté de m’enseigner ce qu’il savait des méthodes de massage et de la médecine traditionnelle chinoise. » C’est aussi lui qui l’encourage à participer aux manifestations de l’Association gabonaise de kung-fu. Jusqu’à ce qu’il se fasse remarquer par les fonctionnaires de l’ambassade de Chine au point de se voir offrir un stage dans une école de wushu chinoise, à Denseng, en 2000.
C’est au cours de ce séjour que Dominique Saatenang a rencontré celui qui allait changer sa vie : Shi Yongxin, chef spirituel du monastère Shaolin. « J’ai joué des coudes pour être au premier rang et il m’a remarqué dans la foule, raconte-t-il. Ce n’était pas difficile, j’étais le seul Noir. » Le moine lui propose un stage de trois mois, Saatenang accepte. « J’avoue que j’ai failli laisser tomber en cours de route », confesse-t-il. Le régime est spartiate, et le jeune entrepreneur – il dirige depuis 2002, au Cameroun, une entreprise de conseil en gestion et une école de wushu – a beaucoup de mal à s’y habituer. « Quand on entre au monastère, on abandonne sa petite vie confortable pour se retrouver dans une cellule minuscule, mal chauffée, avec des conditions d’hygiène douteuses », se souvient Saatenang. Il n’empêche. Un an plus tard, le nouveau moine vend ses biens et s’installe au temple.
Ambassadeur du wushu
Aujourd’hui, de retour à la « vie civile », le moine Shaolin ne tient plus en place. Il multiplie les voyages en Afrique pour promouvoir le wushu en qualité d’ambassadeur du sport dans le monde (depuis 2007) et d’ambassadeur du temple Shaolin (2011). Naturalisé français en 2009, il représente ce pays au sein de la Fédération internationale des juges de kung-fu wushu et participe à la formation des arbitres français, tout en donnant des cours dans l’école qu’il a créée à Paris. Mais ce dont il reste le plus fier, c’est son action pour favoriser les échanges entre la Chine et le continent : depuis octobre 2011, 10 étudiants originaires du Gabon, du Cameroun et du Rwanda sont entrés au temple Shaolin grâce à des bourses octroyées par l’abbé Shi Yongxin. Et, par le biais de son entreprise basée à Londres, Got qi – « avoir de l’énergie », en anglais et chinois -, celui qui est depuis mars 2012 vice-président de la Fédération chinoise d’investissement Chine-Afrique a accompagné fin juin une délégation d’hommes d’affaires en Côte d’Ivoire, au Cameroun et en RD Congo. « Nous avons tout à gagner en matière de développement si l’on travaille avec la Chine, dit-il. Sans compter que, sur le plan culturel, nous avons plus de choses en commun que ce que l’on croit. »
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