Le Zambien Hakainde Hichilema, nouveau chouchou des Occidentaux ?
Élu président de la Zambie en août 2021, l’ancien opposant devenu chef de l’État est salué à l’étranger pour sa gouvernance. Ses opposants s’inquiètent de sa proximité avec l’Occident aux dépens de la Chine.
Si elles le pouvaient, les pages des journaux zambiens rougiraient de fierté. Le président américain a parlé de la Zambie. Et en bien ! C’est via son conseiller à la sécurité nationale, Jake Sullivan, que Joe Biden a évoqué « la nouvelle aube » progressiste engagée par Hakainde Hichilema (HH). La déclaration a été faite à Washington lors de la Conférence internationale contre la corruption, au début du mois de décembre. Certains titres de la presse zambienne s’en sont fait l’écho en une : « Biden loue HH », « Biden salue HH ».
Hichilemania
Un an et demi après sa victoire, l’ancien opposant politique est acclamé à l’étranger. La transition politique pacifique intervenue entre Hakainde Hichilema et son prédécesseur, Edgar Lungu, fut l’une des belles histoires du continent en 2021. Elle inspire aujourd’hui les Occidentaux, qui cherchent des relais en Afrique. Les États-Unis ont choisi Lusaka, la capitale zambienne, pour accueillir leur Sommet pour la démocratie du 29 au 30 mars 2023. Objectif : « prouver que la démocratie marche encore et qu’elle permet d’améliorer la vie des gens », selon le département d’État américain.
Au moment où la Russie intensifie ses efforts pour gagner en influence en Afrique, les progrès de la Zambie doivent être soutenus
Les Européens font aussi les yeux doux à Hakainde Hichilema. Le 23 juin 2022, il a prononcé un discours devant le parlement européen à Bruxelles. Une première pour un chef d’État zambien. Hakainde Hichilema en a profité pour condamner la guerre en Ukraine, au grand bonheur des Européens. « Au moment où la Russie intensifie ses efforts pour gagner en influence en Afrique, les progrès de la Zambie doivent être soutenus » a déclaré Roberta Metsola, présidente du Parlement européen. Le 12 octobre 2022, la Zambie s’est démarquée de sept autres pays d’Afrique australe en dénonçant l’annexion des territoires ukrainiens par la Russie lors du vote devant les Nations unies.
Ce rapprochement de Lusaka avec Washington et Bruxelles agace l’opposition. « Il penche très à l’Ouest alors que la Zambie a toujours poursuivi une position de non-alignement, où nous sommes à la fois amis avec la Russie, la Chine et les États-Unis », critique Emmanuel Mwamba, ancien ambassadeur zambien et candidat à la présidence du Front patriotique, le parti de l’ancien chef de l’État Edgar Lungu. Lusaka avait accueilli la troisième conférence du mouvement des non-alignés en septembre 1970. Cette doctrine était défendue par l’ancien président Kenneth Kaunda, père fondateur de la Zambie post-coloniale.
Dette chinoise
Le risque, alerte Emmanuel Mwamba, est de se fâcher avec la Chine. « Le président est allé aux États-Unis trois fois alors qu’il ne s’est pas rendu à Pékin », relève l’ancien ambassadeur. D’autant que la Chine investit en Zambie, qu’elle importe du cuivre, fait des cadeaux, comme le centre de conférence international Kenneth Kaunda, ouvert cette année, qui a coûté 60 millions de dollars (56,4 millions d’euros). Mais surtout, elle est le premier créancier de la Zambie. Or, la dette représente la plus grosse menace pour l’économie zambienne.
À l’avenir, les relations Chine-Zambie pourraient connaître du « mauvais temps »
Début décembre, le Fonds monétaire international (FMI) a prévenu Lusaka qu’il était nécessaire de conclure un accord de restructuration de sa dette avec ses créanciers extérieurs. Attention à ne pas gâcher une relation avec la Chine à qui vous demandez de résoudre votre crise de la dette, met en substance en garde Emmanuel Mwamba. Dans une note publiée le 30 septembre 2022 sur le site de l’ambassade de Chine en Zambie, l’ambassadeur Du Xiaohui envisage des perturbations diplomatiques : « À l’avenir, les relations Chine-Zambie pourraient connaître du ‘mauvais temps’ à cause d’éléments extérieurs ou d’autres variables externes. »
« La nouvelle aube » zambienne serait donc celle d’un soleil qui se lève à l’Ouest. Cette perspective fait bondir le commentateur politique Sishuwa Sishuwa. Dans une tribune, il qualifie Hakainde Hichilema de « marionnette », « d’idiot utile » ou encore de « dupe volontaire » des intérêts Occidentaux et de leur stratégie visant à contrer l’influence grandissante de la Russie et de la Chine en Afrique. Selon lui, la popularité d’Hichilema tiendrait seulement au déficit de dirigeants africains compétents. « De manière superficielle, Hichilema donne l’impression d’en avoir pour son argent. Il est relativement nouveau, il s’habille bien et parle plutôt bien », ironise Sishuwa Sishuwa.
Une destination attractive
Hakainde Hichilema a en effet passé sa vie en costume, à gérer ses affaires. Dans un ancien clip de campagne, il vantait ses investissements fructueux dans l’agriculture, qui l’ont rendu millionnaire. À 60 ans, le chef d’État renvoie l’image du bon gestionnaire. « Il vient du secteur privé et il a un état d’esprit d’homme d’affaires capitaliste. Il envisage la croissance du pays via la croissance du secteur privé. […] Il a fait du pays une destination attractive pour les investisseurs », remarque l’économiste zambien Trevor Hambayi.
Après son élection, la priorité du président zambien fut de redresser l’économie plombée par une dette insoutenable. Le pays a fait défaut en novembre 2020 sur sa dette extérieure. Fin août 2022, la Zambie a décroché un prêt de 1,3 milliards de dollars du FMI. « En un an, il a été capable d’obtenir un paquet d’aides du FMI alors que l’ancien gouvernement échouait depuis cinq ans », souligne Trevor Hambayi, qui y voit un signe de la bonne réputation du président sur la scène internationale.
Pour améliorer le climat des affaires et les rentrées touristiques, les règles d’obtention des visas ont été réformées. Le droit d’entrée sur le territoire zambien est désormais gratuit pour 90 jours et pour plusieurs nationalités, dont les citoyens britanniques, américains, européens, chinois ou originaires des pays du Golfe. La Zambie espère ainsi attirer 1,5 millions de visiteurs étrangers en 2023.
Abolition de la peine de mort
Le pays fait parler de lui en ce mois de décembre. Hakainde Hichilema a aboli la peine de mort et le crime de diffamation à l’encontre du président. « C’est une bonne décision qui va dans le sens du progrès », a commenté Tigere Chagutah, le directeur d’Amnesty international pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe. « Nous avions promis de modifier les lois qui entravent la démocratie, les droits de l’homme, la bonne gouvernance et les libertés fondamentales […] #PromessesTenues. » a tweeté Hakainde Hichilema.
Today we assented to Penal Code (Amendment) Bill number 25 of 2022, abolishing the death penalty in #Zambia & the offence of Criminal Defamation of the President.
— Hakainde Hichilema (@HHichilema) December 23, 2022
Promised to amend laws that inhibit democracy, human rights, good governance & basic freedoms. #PromisesDelivered pic.twitter.com/yt7TmNBL3B
« Les applaudissements compromettants et la couverture positive que Hichilema reçoit dans les cercles occidentaux contrastent fortement avec les critiques croissantes de sa gouvernance chez lui », dénonçait le commentateur politique Sishuwa Sishuwa quelques jours avant que ces lois ne soient supprimées. « Le président a davantage de soutien à l’extérieur qu’à l’intérieur du pays », confirme Trevor Hambayi.
« La population avait beaucoup d’espoir quand il est arrivé au pouvoir, mais malheureusement la croissance économique est très faible », déplore l’économiste. Il estime que le pays a besoin d’une croissance de 5,6 % par an, contre une prévision de 3,6 % pour 2022. De celle-ci découleront les emplois, la réduction de la pauvreté, les rentrées fiscales, ainsi qu’une réputation incontestable, à la maison comme à l’étranger.
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