États-Unis : qui a peur de la NRA ?

Réponse : tout le monde. Après la tuerie du 20 juillet dans un cinéma du Colorado, même Barack Obama ne s’est pas risqué à défier le tout-puissant lobby en proposant un renforcement du contrôle des armes à feu.

Un stand de tir, à Aurora, deux jours après la tragédie. © AFP

Un stand de tir, à Aurora, deux jours après la tragédie. © AFP

Publié le 3 août 2012 Lecture : 3 minutes.

« Bonne journée les tireurs, des plans pour ce week-end ? » Ce tweet signé par la National Rifle Association (NRA), le principal lobby des armes aux États-Unis, a été publié peu après la tuerie d’Aurora, dans le Colorado, le 20 juillet. Ce jour-là, lors de l’avant-première du film The Dark Knight Rises, James Eagan Holmes, 24 ans, a sorti un fusil d’assaut et mitraillé les spectateurs. Bilan : 12 morts et plus de 50 blessés. Même s’il a finalement été effacé, ce message en dit long sur le peu d’importance que la NRA accorde à ce genre de drames. Fondée en 1871 dans l’intention de créer des clubs de tir pour les vétérans de la guerre de Sécession, elle est devenue au fil des années un très puissant groupe de pression qui compte plus de 4 millions d’adhérents et dispose d’un budget de 220 millions de dollars (181 millions d’euros), dont 20 millions servent à défendre ses positions auprès des parlementaires.

Représailles

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Ces derniers savent à quoi s’en tenir. Lorsqu’en 1994 des représentants démocrates votèrent une loi interdisant les armes d’assaut, la NRA lança un plan de représailles qui, pour nombre d’entre eux, se traduisit par la perte de leur siège lors de l’élection suivante. Elle est crainte jusqu’au sommet de l’État. Lors de son arrivée à la Maison Blanche, George W. Bush, par exemple, s’empressa de lever l’interdiction sur la libre circulation de ces mêmes armes d’assaut. Une décision que Barack Obama s’est bien gardé de remettre en question. Il n’a pas oublié qu’en 2008 la NRA dépensa 40 millions de dollars pour diffuser des spots télévisés hostiles à sa candidature. Cela ne l’empêcha pas d’être élu, mais, sa réélection étant loin d’être acquise, il préfère éviter de se mettre à dos une organisation aussi puissante.

La National Rifle Association ? Quatre millions d’adhérents et un budget de 220 millions de dollars.

S’appuyant sur la Constitution, dont le deuxième amendement garantit à tout citoyen américain le droit de posséder et de porter une arme à feu, la NRA n’a-t-elle pas réussi à bloquer la quasi-totalité des textes qui lui paraissaient y contrevenir ? Elle se montre par ailleurs très critique à l’égard du traité sur le commerce des armes en cours d’élaboration aux Nations unies – auquel le président Obama est pour sa part favorable. À ses yeux, il risque d’avoir un impact négatif sur les ventes d’armes légères aux États-Unis.

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Au-delà des larmes

« La NRA a triomphé », estime Doyle McManus, l’éditorialiste du Los Angeles Times. En dépit de l’énorme émotion suscitée par les diverses tueries perpétrées ces dernières années – et des larmes d’Obama au lendemain de la fusillade d’Aurora -, les Américains sont de moins en moins favorables à un renforcement du contrôle des armes à feu. En 1991, 78 % d’entre eux l’étaient, selon un sondage Gallup. En 2011, ils n’étaient plus que 43 %. On ne s’étonnera donc pas de l’extrême discrétion des candidats à la présidentielle de novembre sur la question. Après s’être recueilli avec les familles des victimes, Obama a repris ses activités normales, tandis que Mitt Romney, son adversaire républicain, s’envolait pour Londres. Il n’y aura pas de débat.

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Dans le même sondage, seulement 43 % des personnes interrogées déclarent faire confiance aux autorités pour les protéger, le plus faible pourcentage jamais enregistré. Dans ces conditions, on comprend qu’après la tuerie d’Aurora les ventes d’armes aient fait dans le Colorado un bond de 43 % par rapport à la semaine précédente et de 39 % par rapport à l’an passé. Oui, la NRA a gagné. Bonne journée les tireurs, des plans pour ce week-end ?

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