Égypte : Mohamed Morsi, retard à l’allumage
Plus d’un mois après avoir prêté serment, le président élu en Égypte, Mohamed Morsi, donne l’impression de faire du surplace.
Des promesses, Mohamed Morsi en a fait 64 au total durant la campagne électorale, assurant qu’il pourrait les concrétiser en cent jours. Mais, un mois après sa prestation de serment, cela n’en prend guère le chemin. Sur morsimeter.com, un site internet qui surveille l’état d’avancement des objectifs que s’est fixés le président égyptien, les compteurs sont à zéro. « Nous avons rencontré un responsable de la présidence. Ils travaillent sur plusieurs dossiers. Les premières actions devraient être entreprises dans les prochains jours, explique Amr Sobhy, un des créateurs du site. Mais tant qu’il n’y aura pas de changements tangibles, les gens ressentiront de la frustration et de l’exaspération. »
Une frustration qui se retrouve jusque dans le quartier huppé d’Héliopolis, au Caire, où se trouvent les bureaux du chef de l’État. Autrefois inaccessibles, les alentours du palais présidentiel sont régulièrement envahis par les manifestants. Coptes, ouvriers, handicapés, tous se pressent sous les fenêtres de Morsi pour exprimer leurs doléances.
Coptes, ouvriers, handicapés… Tous font le siège du palais présidentiel pour exprimer leurs doléances.
Les priorités du président sont la sécurité, le trafic routier, le pain subventionné, l’environnement et l’énergie. Il est par exemple prévu d’ouvrir de nouveaux commissariats et de distribuer des primes aux éboueurs méritants. Le programme accorde un rôle important aux ONG et met l’accent sur la sensibilisation des citoyens à travers des campagnes médiatiques ou le prêche du vendredi. En attendant, il manque l’essentiel au chef de l’État pour la mise en oeuvre de ses ambitions : un gouvernement. Et les Égyptiens s’impatientent. Quant au nouveau Premier ministre, Hicham Qandil, nommé le 24 juillet, il est inconnu du grand public. « C’est un choix qui permet d’éviter la confrontation avec les militaires et les autres forces politiques », estime Ashraf el-Chérif, professeur de sciences politiques à l’Université américaine du Caire. D’après lui, Morsi ne pourra amorcer de réels changements tant que l’appareil étatique et sécuritaire n’aura pas été réformé. « Il faut de nouvelles politiques et de nouvelles équipes au pouvoir pour les appliquer. Or ce sont les mêmes personnes qui sont à la tête des institutions de l’État. Elles vont continuer d’oeuvrer comme sous Hosni Moubarak, déplore Ashraf el-Chérif. Les Frères musulmans ne sont pas capables, ou n’ont pas envie, d’entrer dans une confrontation avec l’ancien régime. »
Droits de l’homme
Selon Heba Morayef, de Human Rights Watch, le travail à accomplir en matière de droits de l’homme reste colossal. « Il faut protéger les droits des minorités religieuses et ceux des femmes. Nous avons des inquiétudes au sujet de la liberté d’expression. La torture se pratique toujours », martèle la jeune chercheuse, qui reconnaît au président deux accomplissements majeurs : la mise en place de deux commissions, l’une chargée d’étudier les cas de violences contre les manifestants, l’autre les dossiers des civils emprisonnés par la justice militaire. Ainsi, 572 prisonniers politiques devraient être libérés prochainement.
Certains reprochent à Morsi ses voyages à l’étranger. Le chef de l’État a en effet déjà effectué une visite officielle en Arabie saoudite. « Le président doit être capable de gérer des dossiers nationaux et internationaux. Mais il n’est pas injustifié de remettre en question l’utilité de ces déplacements quand rien n’est fait sur le plan interne », affirme Michael Hanna, expert du think-tank américain The Century Foundation. Mais pour le chercheur, la participation de Morsi au dernier sommet de l’Union africaine (UA) est une initiative louable : « La politique africaine de l’Égypte est une honte depuis les années 1990, alors que des affaires sensibles sont en jeu, comme le Soudan ou le partage des eaux du Nil. » Lorsque Mohamed Morsi a fait son entrée à l’ouverture du sommet des chefs d’État, toutes les caméras se sont braquées sur lui. Et pour cause : depuis la tentative d’assassinat à laquelle il avait échappé en 1995, à Addis-Abeba, son prédécesseur, Hosni Moubarak, ne s’était plus jamais rendu à aucun sommet africain.
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