Sénégal : les islamistes « sont à nos portes »

Au Sénégal, si l’islam des confréries cultive la tolérance, il n’est pas pour autant prémuni contre une avancée de l’extrémisme.

Des membres du Mujao dans les rues de Gao, au Mali. © AFP

Des membres du Mujao dans les rues de Gao, au Mali. © AFP

Publié le 7 août 2012 Lecture : 2 minutes.

Charia : enquête sur une psychose
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Ndèye Khady Thiam, 20 ans, le foulard bien noué autour de la tête, arpente les escaliers de la faculté de droit de l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar. Cette étudiante en première année est voilée depuis bientôt deux ans. « Je n’appartiens à aucune confrérie et personne ne m’a obligée à me couvrir. Je l’ai décidé toute seule en tant que musulmane », assure-t-elle. Ce phénomène prend de l’ampleur au Sénégal. Dans les rues de la capitale sénégalaise, on rencontre de plus en plus de jeunes filles voilées ou d’hommes barbus. Et, contrairement à Ndèye Khady, la majorité des femmes qui mettent le voile appartient à des groupes religieux. De quoi susciter des interrogations quant à une éventuelle percée du fondamentalisme dans un pays connu jusqu’alors pour sa modération et sa cohabitation pacifique entre chrétiens et musulmans.

L’imam Mbaye Niang se veut rassurant : « L’islamisme radical ne peut émerger chez nous, le Sénégal récuse la violence, et l’islam tel qu’il est enseigné et pratiqué ici favorise le dialogue. » Lamine Gaye, le président de l’Association des élèves et étudiants musulmans du Sénégal (AEEMS), partage l’avis de l’imam, mais appelle néanmoins à la vigilance. « Historiquement, aucune des confréries sénégalaises n’a prôné la violence comme moyen de propagande. Le terrain n’est donc pas favorable », rappelle-t-il. Pour autant, « nous ne devons pas nous endormir sur nos lauriers et nous devons être les garants d’un islam tolérant, l’État en premier lieu », prévient-il, regardant évidemment vers le Nord-Mali. Pour toutes les capitales de la sous-région, le risque de contagion est réel.

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Menace du Mujao

Sur le plan sécuritaire, les autorités de Dakar sont en alerte. La presse locale avait fait état de l’arrestation début juillet à Dagana, dans le nord du Sénégal, d’une dizaine d’activistes, dont trois Sénégalais proches d’Aqmi. Et il est à présent avéré que des ressortissants sénégalais font partie du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), notamment. Face à cette menace, le chef d’état-major des armées, le général Abdoulaye Fall, indique que « toute stratégie doit miser sur des moyens militaires coercitifs associés à un système international de partage de renseignements sur ces mouvements terroristes ».

Le Sénégal compte plus de 95 % de musulmans, et son islam s’est développé autour des confréries Mouride, Tidiane, Layène, considérées à juste titre comme des régulateurs sociaux. Problème : « Elles ne répondent pas aux préoccupations des personnes qui ne sont pas des fidèles. C’est donc une erreur de penser que le Sénégal est à l’abri de toute influence extrémiste, d’autant que les djihadistes sont à nos portes », explique l’historien sénégalais Abderrahmane Ngaïdé. Pour lui, « la pauvreté, les défaillances de l’État et une forte déperdition scolaire » sont de puissants leviers de recrutement. 

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