Maroc – Médias : rendez-vous manqué
Après une année 2011 riche en événements, c’est la déprime pour les émissions de débat. Tiédeur des intervenants, manque d’audace des chaînes… Radios et télévisions n’ont pas encore su accompagner la libération de la parole politique.
Maroc : les clés du royaume…
Rachid Hallaouy, animateur de l’émission radiophonique Avec ou sans parure, en a fait sa devise : « Les radios doivent assumer leurs responsabilités dans l’animation d’un débat public au Maroc. » Producteur d’un débat quotidien en français sur Luxe Radio, il accueille tous les jours, à 14 heures, les élites politiques et économiques du pays. « Au début, il a fallu surmonter le handicap du nom, de la langue et de la timidité de certains responsables, mais l’émission s’est progressivement installée dans le paysage », remarque le journaliste, qui a touché à la presse écrite puis à la télé, en tant que correspondant de France 24.
Après bientôt deux ans de débats, cinq jours sur sept, Rachid Hallaouy se sent dans son élément. Ce zmagri (« émigré ») originaire du sud de la France a fait entrer son accent chantant et sa gouaille dans les maisons et les voitures d’un public désormais fidèle. « Il est arrivé qu’un auditeur reconnaisse ma voix au restaurant. C’est encourageant », ajoute Hallaouy. Polyvalent, il peut faire passer un « Grand Oral » à un dirigeant politique le lundi, enchaîner sur un débat sociétal le mardi, avant d’aborder une question économique le mercredi. Le seul hic est de trouver des intervenants de qualité, rompus à l’exercice radiophonique. Là, le journaliste doit développer des trésors de patience, d’entregent et d’opportunisme pour attirer les meilleurs interlocuteurs… « Beaucoup d’hommes politiques et, surtout, de patrons ne jouent pas le jeu. Ils sont comme anesthésiés par le direct et passent en mode langue de bois dès que le micro est ouvert », confirme un confrère de la télévision publique, contraint de faire appel aux mêmes intervenants. « Il est clair que nous n’obtenons pas toujours les invités qu’on rêverait d’avoir. C’est principalement une question de moyens », explique-t-il.
Lignes rouges
Avec son cortège d’événements politiques – 20 Février, réforme constitutionnelle et référendum, victoire des islamistes du Parti de la justice et du développement (PJD) -, l’année 2011 aurait dû changer durablement la donne en libérant la parole. En réalité, la situation est moins réjouissante.
Certes, Medi1 TV, la chaîne de Tanger dernière arrivée sur le canal hertzien, multiplie les plateaux interactifs, mais la plupart sont consacrés à des sujets de société. Sur les chaînes publiques généralistes Al Aoula et 2M, les deux émissions politiques phares, Hiwar (« Entretien ») et Noqat ala lhorouf (« Les Points sur les i ») n’ont pas été reconduites après les élections législatives de novembre. « Ces émissions qui mettaient en avant un seul invité et contribuaient à valoriser le personnel politique ont simplement disparu juste après l’arrivée des islamistes du PJD aux affaires », constate un professionnel. De là à y voir un lien de cause à effet…
Enfin, il y a les fameuses lignes rouges, ces interdits touchant à la monarchie, au Sahara ou à la religion, qui continuent de peser sur toutes les salles de rédaction, et surtout sur celles des médias audiovisuels. « Un Marocain lisant la presse et regardant la télévision peut avoir l’impression de naviguer entre deux pays différents. Les journaux et les magazines se sont libérés de beaucoup de tabous, pas la télé », remarque Driss Bennani, chef des actualités de l’hebdomadaire TelQuel. Médias chauds, la radio et la télé sont réputées les plus sensibles. « Il faut beaucoup d’assurance pour maîtriser l’antenne. Or c’est en flirtant avec les interdits que l’on fait de l’audience », analyse le journaliste. Pour l’instant, c’est le débat platonique.
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