Maroc : un régime pas comme les autres

Le royaume chérifien, désormais seule monarchie d’Afrique – si l’on excepte l’absolutisme swazi -, ne laisse pas de fasciner au sud du Sahara et d’intriguer ses voisins du Maghreb.

Mohammed VI, lors de la cérémonie d’allégeance de la fête du Trône, le 31 juillet 2011. © Abdelhak Senna/AFP

Mohammed VI, lors de la cérémonie d’allégeance de la fête du Trône, le 31 juillet 2011. © Abdelhak Senna/AFP

Publié le 1 août 2012 Lecture : 3 minutes.

Maroc : les clés du royaume…
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Maroc : les clés du royaume…

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Les Marocains revendiquent avec fierté leur « exception » née de l’Histoire. Dans le monde arabe, excepté dans le Golfe, où la rente pétrolière a servi de soupape, les monarchies sont tombées successivement en Égypte (1952), en Irak (1958) et en Libye (1969). Mohammed V (1927-1961) et Hassan II (1961-1999), eux, ont su s’adapter pour perpétuer la dynastie. Dernier sultan du Maroc, le premier s’est imposé comme un symbole d’unité dans la lutte contre le protectorat. Déporté à Madagascar, il est devenu une icône maghrébine, comme l’atteste, par exemple, l’avenue qui porte son nom au coeur de Tunis.

Déjà rompu à la politique pendant le protectorat puis comme héritier du trône, Hassan II a noué des relations difficiles avec ses voisins du Maghreb, notamment avec le président algérien Boumédiène. Elles furent plus amicales, quasi familiales, avec les régimes du Golfe. Le royaume accueille ainsi nombre de palais de villégiature des princes et souverains saoudiens et émiratis. Cela explique peut-être l’invitation qui lui a été lancée à rejoindre, en plein Printemps arabe, le Conseil de coopération du Golfe, club très fermé des pétromonarchies. En ces temps révolutionnaires, l’union fait la force. 

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M6 se déplace… beaucoup moins

Douze pays africains visités – dont certains à plusieurs reprises -, trois grandes tournées sur le continent, un partenariat économique dynamisé, une aide humanitaire qui d’année en année ne se dément pas (le Niger, le Burkina et le Congo-Brazza en ont bénéficié en 2012)… Mohammed VI a renforcé les liens séculaires du royaume avec le continent. « Il a accepté toutes nos demandes de crédits, d’envois d’experts, de bourses, explique un diplomate du ministère marocain des Affaires étrangères, mais personne n’arrive à comprendre pourquoi il ne se rend plus en Afrique subsaharienne depuis trois ans, alors que nous recevons de nombreuses invitations. » Ses derniers voyages remontent en effet à mars 2008, pour le sommet de l’Organisation de la Conférence islamique, à Dakar, et à une visite officielle en Guinée équatoriale, en avril 2009. P.A.

Tradition

En Tunisie, où l’ère Ben Ali est déjà oubliée, comme dans la Libye post-Kadhafi, le royaume chérifien intrigue. Voilà une monarchie ancestrale capable de se réformer, d’intégrer ses opposants et d’essuyer sans dégâts le souffle contestataire qui a pris la région par surprise. À Alger ou à Benghazi, tout Marocain est confronté à la question : « Comment faites-vous avec ce roi ? » Et de tenter d’expliquer que, si Hassan II était craint, Mohammed VI est aimé de beaucoup de ses sujets. Une réponse qui ne convainc pas toujours.

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Inflexibilité

Peu connu en milieu rural, M6 est une figure familière pour les citadins, qui ont accès aux médias audiovisuels et aux journaux. Le roi a généralement bonne presse en Afrique subsaharienne. Les grands chantiers du règne, l’eldorado touristique et les nombreux festivals donnent l’image d’une monarchie moderne. Seul point noir, le sort des immigrants clandestins en transit dans le royaume dans leur quête d’Europe, souvent victimes de mauvais traitements. Chez les partisans de la cause sahraouie, l’inflexibilité du Maroc est imputée à la personne du roi, aussi bien sous Hassan II qu’avec Mohammed VI.

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« L’image que j’ai du roi du Maroc est celle que m’ont laissée des amis originaires de Tombouctou, explique Mohamed Maïga, spécialiste malien du développement. Quand nous étions au lycée, ils me parlaient de leur admiration pour Hassan II, fier de ses racines africaines, et du fait que sa mère serait originaire de Tombouctou. » Beaucoup d’anciens du continent rappellent que Mohammed V et Hassan II ont financé la lutte pour les indépendances africaines. En Guinée, les compagnons de l’indépendance se souviennent des relations étroites entre Hassan II et Sékou Touré. « Saint, craint, respecté et intouchable », précise un journaliste du pays, évoquant le renvoi par Hassan II d’un ambassadeur sénégalais coupable de lèse-majesté. « Il avait parlé un peu familièrement de son fils, le futur Mohammed VI, au monarque. »

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Par Youssef Aït Akdim et Pascal Airault

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