Maroc : Constitution An I

Adoptée le 1er juillet 2011, la nouvelle loi fondamentale promettait de changer en profondeur l’équilibre politique marocain. Il y a eu les législatives anticipées en novembre, la nomination du gouvernement d’Abdelilah Benkirane en janvier. Mais la plupart des textes organiques prévus n’ont pas encore été soumis au Parlement. Ils seront déterminants.

Rassemblement du mouvement des syndicats de gauche, le 27 mai à Casablanca. © REUTERS

Rassemblement du mouvement des syndicats de gauche, le 27 mai à Casablanca. © REUTERS

Publié le 31 juillet 2012 Lecture : 3 minutes.

Maroc : les clés du royaume…
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«Deuxième monarchie » en marche pour ses thuriféraires ou « réforme en trompe-l’oeil » pour ses contempteurs, la nouvelle Constitution est là. Elle vit depuis un an, et son nom reste sur toutes les lèvres. Sous Hassan II, la réforme constitutionnelle était l’alpha et l’oméga du discours public, mirage démocratique pour la gauche, carotte agitée par la monarchie. De 1962 à 1996, les révisions accompagnèrent les soubresauts de l’histoire du royaume. Puis plus rien. Jusqu’au Printemps arabe et son avatar marocain, le Mouvement du 20 février.

Engagé depuis le milieu des années 1990 dans une transition à son rythme, le régime marocain devait montrer sa capacité à répondre aux appels d’une contestation nouvelle, portée par des jeunes et poussée par des organisations (auto-)exclues du jeu politique : l’association Al Adl Wal Ihsane (islamiste, non reconnue par les autorités) et le parti Annahj Addimocrati (marxiste). 

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Intention ou improvisation?

Les historiens démêleront la part de l’intention et celle de l’improvisation, toujours est-il qu’en annonçant le 9 mars une révision de la Constitution le roi a renversé la vapeur. Coupant l’herbe sous le pied des principaux opposants du régime, il convoquait une Commission consultative de révision de la Constitution (CCRC), formée d’experts, professeurs universitaires et militants des droits de l’homme. Cette initiative accompagnait la reprise du dialogue social et la mise en place d’institutions déjà prêtes : le Conseil économique et social et le Conseil national des droits de l’homme. Un changement rapide mais en douceur, tant la monarchie semble avoir un coup d’avance sur l’agenda politique.

Après un mois et demi de consultations et d’auditions, et presque autant pour les débats internes à la commission, le 10 juin, Abdeltif Menouni, président de la CCRC, remettait le projet de réforme au monarque. Les consultations ont permis de prendre le pouls de la société marocaine : partis, syndicats, associations culturelles et des droits de l’homme, groupes d’intérêt ont porté des revendications précises, des demandes pressantes. C’est ce qui explique certainement l’aspect bavard de cette Constitution – de 180 articles -, qui s’apparente parfois à un affichage de volontés, à une litanie de promesses. 

Déclaration des droits

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Les débats internes, restés confidentiels, ont permis de soulever quelques questions délicates, comme celle de la liberté de conscience, adoptée par les constituants, mais qui sera retirée du texte soumis à référendum sur la pression des islamistes.

Le préambule et la première partie du texte forment une véritable déclaration des droits, avec une batterie de libertés fondamentales, réclamées de longue date par le mouvement des droits de l’homme. Pour l’accompagnement de celles-ci, la loi fondamentale renvoie à de nouvelles instances consultatives (lire p. 68), approfondissement de la démocratie participative.

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Enfin, le texte refonde les rapports entre les institutions, notamment au bénéfice des instances représentatives, qui obtiennent de plus larges pouvoirs. « L’un des paradoxes de cette réforme constitutionnelle est d’augmenter les pouvoirs du gouvernement et du Parlement sans réduire ceux du roi », analyse Baudouin Dupret, directeur du centre Jacques-Berque à Rabat.

Pour Karim Ghellab, président de la Chambre des représentants, l’extension des pouvoirs du Parlement est perceptible : « La promesse de changement s’est déjà matérialisée par la tenue des élections qui ont amené une nouvelle majorité et un nouvel équilibre entre les pouvoirs de l’exécutif et ceux du Parlement. » 

Paradoxe d’une transition

Le rôle et les pouvoirs des parlementaires sont d’ailleurs testés à l’occasion de l’actuelle législature. La loi fondamentale met en place un rendez-vous mensuel pour le chef du gouvernement devant les représentants de la nation. Un exercice auquel s’est prêté Abdelilah Benkirane, le 14 mai, puis le 29 juin.

Les élus devront aussi prendre leur part dans l’adoption des lois organiques prévues par la Constitution de juillet 2011, même si les textes déjà adoptés sont plutôt d’initiative gouvernementale et sans débat de fond. Seuls trois textes organiques ont été adoptés – ceux relatifs aux deux chambres du Parlement et aux partis politiques -, le quatrième, relatif aux nominations aux hautes fonctions, a été invalidé par le Conseil constitutionnel. Le rythme devra s’accélérer.

En attendant, les bureaux des membres dudit Conseil croulent sous les dossiers… des recours électoraux, qui constituent pour le moment leur principale mission. Depuis les législatives anticipées de novembre 2011, l’élection des trois députés du Parti de la justice et du développement de Tanger (dont Najib Boulif, l’actuel ministre délégué aux Affaires générales) a été invalidée. Leur affiche de campagne mettait en scène une mosquée.

Paradoxe d’une transition, le Conseil constitutionnel sera lui-même profondément transformé par les lois organiques à venir. Celles-ci devront créer une Cour constitutionnelle à part entière et instituer l’exception d’inconstitutionnalité.

La Constitution ? Vous n’avez pas fini d’en entendre parler…

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