Maroc : un trône se mérite chaque jour
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 2 août 2012 Lecture : 2 minutes.
Maroc : les clés du royaume…
De ses lointains ancêtres alaouites, descendants d’Ali et de Fatima, il a hérité du sabre et du Coran, de la double onction des chérifs détenteurs de la baraka et des chefs de guerre. Si la fonction spirituelle demeure intacte, puisque aujourd’hui encore la prière est dite en son nom dans toutes les mosquées du royaume, le prestige temporel n’est plus depuis longtemps celui d’un djihadiste, mais celui d’un arbitre au-dessus de la mêlée. C’est cette fusion entre les deux visages du souverain que célèbre chaque 30 juillet la fête du Trône.
Comme son père et son grand-père avant lui, Mohammed VI est, sur le terrain politique, un intermédiaire qui se veut équitable. Comme eux, il a dû s’imposer pour que ce rôle ne se réduise pas à celui d’instance symbolique et de grand officiant des solennités publiques auquel une partie de la société politique (les partis d’opposition sous Hassan II, le Mouvement du 20 février aujourd’hui) aurait voulu le réduire.
Arbitre avec ce que cela implique : ne jamais s’engager outre mesure et éviter d’être identifié à quelque groupe que ce soit, surtout à celui dont il a favorisé l’existence.
Mais là où son prédécesseur encourageait les rivalités et au sens premier de l’expression divisait pour régner, M6 laisse se dérouler le jeu démocratique : la victoire des islamistes aux législatives de 2011 n’était sans doute pas son choix, mais il a laissé s’accomplir la volonté populaire. Non sans habileté, d’ailleurs, puisque la réussite du gouvernement Benkirane ne saurait lui être opposable et que son échec ne pourrait lui être imputable.
Ne pas croire, pourtant, que cet homme de 49 ans, aussi médiatiquement discret que son père était cathodique, ait abandonné aux politiciens le seul champ qui vaille aujourd’hui au Maroc : l’économique et le social. Sur ce terrain, il fait ce que ne faisait pas (ou plus) Hassan II, multipliant les projets, les visites et les inaugurations à un rythme soutenu – deux à trois par mois aux quatre coins d’un royaume qu’il arpente tel un géomètre.
Ports, usines, eau, électricité, stades, routes, universités, parc énergétique, habitat, TGV, mais aussi couverture médicale de base, réforme de la justice ou désengagement progressif du Palais de ses rôles traditionnels (et souvent jugés envahissants) de collateur et d’entrepreneur, la liste de ce que l’on appelle les « activités royales » pour cette année 2011-2012 n’est pas celle d’une monarchie dormante. Un trône, il le sait, se mérite chaque jour.
« Le peuple peut vivre sans roi, mais le roi ne peut vivre sans peuple » : la citation de cet aphorisme du célèbre réformateur Al-Afghani valut au rédacteur en chef d’un journal du parti de l’Istiqlal dix mois de prison. C’était il y a près d’un demi-siècle. Aujourd’hui, elle passerait inaperçue tant sont rares les Marocains à l’estimer, en ce qui les concerne, exacte. N’en déplaise à ceux qui, de l’étranger, ont toujours voulu la considérer comme une obsolescence, la monarchie alaouite a su avec M6 prendre le tournant de la modernité et d’une certaine normalité. Ici, le siège suprême n’est pas éjectable. Et ce n’est pas demain que la prière ne sera plus dite au nom de « celui que Dieu a choisi ».
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