Cameroun – JO 2012 : Audrey Tcheuméo, lionne indomptée

Fille de sportifs camerounais de haut niveau, cette footballeuse devenue judoka vise l’or aux JO de Londres.

Audrey Tcheuméo, lors de sa victoire aux championnats d’Europe d’Istanbul, le 23 avril 2011. © Reuters

Audrey Tcheuméo, lors de sa victoire aux championnats d’Europe d’Istanbul, le 23 avril 2011. © Reuters

Clarisse

Publié le 27 juillet 2012 Lecture : 4 minutes.

Elle apparaît devant les grilles de l’établissement, ponctuelle. Salue à peine, mais esquisse un sourire et nous entraîne vers la cafétéria de l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep), le centre de formation pour sportifs de haut niveau, dont elle est l’une des pensionnaires. À sa démarche, on se dit qu’elle n’a pas volé ses surnoms : Terminator et Tortue Ninja, référence malicieuse à ses jambes arquées. Audrey Tcheuméo prévient : « J’ai juste vingt minutes à vous accorder, mon médecin m’attend. » Son emploi du temps est celui d’une grande championne de judo…

Native de Bondy, elle a atteint des sommets en seulement six ans. Trois ans à peine après ses débuts, Audrey Tcheuméo remportait la cinquième place des championnats de France élite, alors même que, renversée par une voiture, elle se remettait encore de ses blessures. Les performances sont venues très vite : championne d’Europe juniors puis espoirs en 2009, premiers championnats du monde l’année suivante. Un tremplin pour 2011, année de ses deux sacres : championne d’Europe à Istanbul, championne du monde à Paris. Cette dernière couronne, elle en parle avec émotion, affirmant se souvenir des sentiments qui l’avaient envahie : une joie indicible et la sensation de tenir sa revanche sur les années difficiles. Celles de son enfance, où la famille vagabondait de foyers d’hébergement en appartements de cousins. Se posant presque en porte-parole de la jeunesse de son département, la Seine-Saint-Denis, elle dit la capacité des jeunes défavorisés à réussir dès lors qu’on leur en donne les moyens.

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Seul manque à son palmarès un titre olympique, qu’elle entend conquérir à Londres, pas du tout fragilisée par la perte de son titre de championne d’Europe en avril 2012, à Tcheliabinsk (Russie). Un accident, selon elle, qui aborde la compétition olympique avec l’envie d’en découdre.

« Mon physique fait la différence »

Elle s’inspire de ces sportifs américains qui entament chaque compétition avec la certitude d’écraser tout le monde. « LeBron James ne doute jamais. Michael Phelps et Usain Bolt non plus. C’est grâce à eux que les JO me font rêver. » Et cette ancienne joueuse de handball, de tennis et de football – remarquée par un club de banlieue, elle avait un avenir tout tracé dans cette dernière discipline – d’ajouter : « Face à mes concurrentes, mon physique fait la différence. »

C’est fortuitement qu’elle s’est mise au judo : un copain l’y a emmenée un jour de 2004 où, désoeuvrée, elle traînait devant son immeuble. « Au début, ça ne me disait rien. Puis ça a commencé à me plaire de plus en plus : je battais les garçons… » Loin de regretter son choix, elle affirme être faite pour un sport individuel qui lui permet de ne s’en prendre qu’à elle-même en cas d’échec. « En sport d’équipe, j’avais tendance à rejeter la faute sur les autres. Là, je suis seule en cause. » Le judo l’a révélée à elle-même et lui a appris le dépassement de soi. Des qualités qui ne seront pas de trop quand il faudra reprendre la préparation de son BEP et de son BTS en commerce, mis entre parenthèses dans la perspective des JO.

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La tête froide

Son entraîneur, Omar Gherram, ne doute pas qu’elle y parvienne. Il loue son sérieux et son mental à toute épreuve, qui lui permettent de compenser ses lacunes techniques. Mais comme elle est la demi-soeur d’une autre grande athlète, Antoinette Nana Djimou (championne d’Europe 2012 d’heptathlon), elle met aussi en avant ses gènes : son père, Christian Ebwea-Bile, a joué dans l’équipe de football du Cameroun, et sa mère, Marceline Tcheuméo-Tchato, a évolué avec l’équipe de handball camerounaise.

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Aujourd’hui, Audrey Tcheuméo reconnaît que ses succès lui ont permis de toucher plus d’argent qu’elle n’en aurait rêvé, mais elle assure garder la tête froide. Alors qu’elle aurait pu quadrupler ses revenus, elle n’a pas hésité à décliner les offres de contrats publicitaires, « préférant qu’on [la] laisse tranquille pour l’instant ». Son entourage veille au grain : lors de son voyage au Cameroun, malgré la mobilisation de la presse venue l’accueillir en rock star, son père n’a pas souhaité la voir à la télé.

Si elle a bloqué de l’argent sur un compte bancaire, Audrey Tcheuméo s’offre tout de même quelques menus plaisirs. Amoureuse de hip-hop et de belles voitures, elle revendique une collection d’une trentaine de paires de baskets. Chausser des escarpins ? Une torture à laquelle elle n’accepte de se soumettre que pour les soirées de gala. Une confession qui fait sourire sa mère, pour qui elle est une « vraie gentille, tellement souriante que certains ont tendance à la sous-estimer ».

La suite ? Elle ne se voit pas combattre jusqu’à 34 ans, sauf si la moisson de médailles continue. Prudente, elle s’imagine en femme d’affaires dans la musique ou la mode.

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