Michel Sidibé : « Les mentalités évoluent » sur le sida

Réduction de la mortalité, meilleur accès aux traitements, nouveaux financements… Le directeur de l’Onusida dresse un état des lieux en Afrique à l’occasion de la conférence internationale de lutte contre le VIH à Washington, qui s’est terminée le vendredi 27 juillet.

Michel Sidibé, directeur de l’Onusida en poste depuis 2009. © Vincent Fournier/J.A

Michel Sidibé, directeur de l’Onusida en poste depuis 2009. © Vincent Fournier/J.A

Publié le 28 juillet 2012 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : L’Onusida vient de publier son rapport annuel, que faut-il en retenir ?

Michel Sidibé : La situation continue de s’améliorer. En dix ans, en Afrique, on est passés de moins de 50 000 à 6,2 millions de personnes traitées, et le nombre de décès annuels a chuté de 1,8 à 1,2 million [le nombre de séropositifs est estimé à 23,5 millions de personnes en Afrique subsaharienne, soit 68 % du total mondial, NDLR]. De plus en plus d’États se mobilisent. Fin juin, le Kenya a créé un fonds de solidarité en prélevant 1 % des revenus de la population. 

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Les anglophones sont souvent en avance. Certains pays d’Afrique francophone se démarquent-ils aussi ?

Oui, les mentalités évoluent. Depuis la fin de la crise postélectorale, la Côte d’Ivoire a augmenté son budget alloué à la lutte contre la maladie et développe un plan national de prise en charge des personnes contaminées. Avant la crise, le Mali avait témoigné son intérêt pour la création d’un Fonds national de solidarité spécifique. Au Niger et au Burkina, des initiatives sont prises pour limiter la transmission de la mère à l’enfant. 

Voir aussi l’interview vidéo de Michel Sidibé :

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Malgré ces évolutions encourageantes, quels sont encore les principaux défis ?

En Afrique, 4,8 millions de personnes sont en attente de traitement. Quant aux personnes traitées, elles le sont avec des médicaments de première génération, susceptibles de créer des résistances. Tant qu’on n’aura pas la capacité de négocier le prix des médicaments de deuxième génération, la prise en charge sera limitée. L’autre défi consiste à développer la recherche sur le continent.

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Il faut développer la recherche et la production d’antirétroviraux sur le continent.

Quelles sont les prochaines sources de financements internationaux en ces temps de restrictions budgétaires dans les pays du Nord ?

Plus de 80 % des patients traités en Afrique le sont grâce à des aides internationales. Cette dépendance est trop importante, mais j’observe un effort croissant sur le continent via de nouveaux mécanismes comme la mise en place d’une assurance maladie obligatoire au Rwanda, le fonds kényan ou l’impôt sida au Zimbabwe. Pour générer de nouvelles ressources, on pourrait imaginer d’autres taxations : sur les transactions financières, les téléphones portables, le transport aérien… 

Quel est le message que vous avez porté lors de la conférence de Washington, qui s’est achevée le 27 juillet ?

Il ne faut plus s’appuyer sur la charité. Il y a deux ans à Vienne, j’avais mis l’accent sur le recours aux antirétroviraux et plaidé pour la taxation financière. Cela reste d’actualité, mais cette année j’insiste sur le fait qu’un traitement pour tous est possible, qu’il faut mettre en place un nouveau type de partenariat avec les pays émergents pour la recherche et la production d’antirétroviraux. 

Où en est le projet d’agence africaine du médicament ?

Cette instance de régulation permettra de garantir la qualité des traitements tout en négociant des prix avantageux. Une chose est sûre : elle sera formalisée d’ici à la fin de l’année, au moins au niveau sous-régional. 

Avec la vente libre d’un test de dépistage et le feu vert pour la mise sur le marché d’un antirétroviral préventif, assiste-t-on à un tournant ?

Absolument. Ce test permet d’établir un diagnostic à partir de la salive et va donc augmenter la demande de traitements. Raison supplémentaire pour encourager la production africaine d’anti­rétroviraux.

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Propos recueillis par Fanny Rey

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