Gauthier Pasquet contre Kemi Seba, combat de trolls en terres françafricaines
Sur Twitter, deux activistes se jettent à la figure des noms de chefs d’État africains qu’ils souhaitent voir quitter le pouvoir, esquissant plus ou moins des préférences françaises ou russes.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 5 janvier 2023 Lecture : 2 minutes.
À droite : Kemi Seba. À gauche : Gauthier Pasquet. Sur Twitter, au cœur du débat sur les ingérences internationales en Afrique, les deux pseudonymes se répondent à grand renfort de name dropping présidentiel. En ce début d’année, le premier, résistant panafricaniste autoproclamé aux 129 800 abonnés, s’adresse à ceux qu’il qualifie de « chères marionnettes dévouées de la Françafrique » et affirme que 2023 est l’année de leur « départ du pouvoir ».
Ironique, il ajoute : « Qu’avez vous prévu pour l’après présidence ? Pour ceux qui ne finiront pas en prison bien évidemment ». Sans citer de nom, Kemi Seba illustre son tweet par un montage photographique où l’on reconnaît Mohamed Bazoum, Alassane Ouattara et Mahamat Idriss Déby Itno, trois chefs d’État réputés proches du régime français.
Talon❌, lui qui a interdit le droit de grève au Bénin ton pays.
— Gauthier Pasquet 🇫🇷 (@Gauthier_Pasq) January 5, 2023
Biya❌ le camerounais, 40ans de règne absent, pays de yamb/niamsy et maison d’Afrique média. Ali Bongo❌
Kagame❌ l’envahisseur congolais.
Ah oui ceux là vous graissent la patte j’oubliais pas comme Ouattara etc😌
Présenté comme « journaliste indépendant » et « lanceur d’alerte » doté de 23 600 followers, Gauthier Pasquet répond à celui qu’il aime qualifier de « panafricon », en déroulant sa propre liste de présidents africains où figurent notamment Patrice Talon et Paul Biya. Choix peu innocents : le twitto généralement obnubilé par Assimi Goïta sous-entend que Kemi Seba épargne le Béninois plutôt francophile, car Seba réside au Bénin ; et qu’il détourne le regard du règne de 40 ans du Camerounais, pour ne pas incommoder les activistes amis Nathalie Yamb et Franklin Nyamsi, lesquels auraient quelques intérêts personnels et éditoriaux du côté de Yaoundé… « Simple histoire de tempo », rétorque Kemi Seba. Et la joute de continuer jusqu’à ce que Seba bloque Pasquet…
Champ de bataille idéologique
Voici donc venue, sur le champ de bataille idéologique africain, l’ère des trolls réciproques, ces auteurs numériques de controverses parfois artificielles mais pourvoyeuses de buzz aisément monétisables. Si Kemi Seba ne s’appelle pas Kemi Seba – mais Stellio Gilles Robert Capo Chichi –, il milite à visage découvert, contrairement à Gauthier Pasquet qui utilise une photo que les fact-checkeurs ont tracé jusqu’au journaliste turc Can Dündar, lequel dit son faciès piraté.
Se montrer est, au choix, une preuve de courage ou l’expression d’un calcul narcissique conscient du ressort de l’incarnation. Mais cela ne dit rien du caractère plus ou moins collectif de la gestion de ces comptes de réseaux sociaux – @Gauthier_Pasq est clairement alimenté par des styles rédactionnels variés… –, ni du présumé financement de ces croisades numériques. Et donc de leur caractère spontané et sincère…
Si Pasquet est à la traîne de Seba en nombre d’abonnés, le dernier venu fait écho aux déclarations d’Emmanuel Macron, à Toulon en novembre dernier : « Nous ne serons pas des spectateurs patients » assistant à la propagation de fausses informations ou de narratifs qui veulent « abîmer » l’image de la France en Afrique.
La France a-t-elle clairement embouché la trompette de la propagande numérique outrancière ? Les Africains ont moins besoin des saillies de trolls que de contributions indépendantes d’intellectuels et d’analyses déontologiques de journalistes…
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