Éthiopie : Mélès Zenawi, le grand absent

Où se trouve le Premier ministre éthiopien, Mélès Zenawi, et de quel mal souffre-t-il ? Alors que les spéculations sur son état de santé vont bon train, la question de sa succession reste sensible.

Mélès Zenawi, 57 ans, l’homme fort d’Éthiopie, n’a pas désigné de dauphin. © Roland Kemp/Rex Featu/Rex/Sipa

Mélès Zenawi, 57 ans, l’homme fort d’Éthiopie, n’a pas désigné de dauphin. © Roland Kemp/Rex Featu/Rex/Sipa

NICOLAS-MICHEL_2024

Publié le 27 juillet 2012 Lecture : 3 minutes.

Il n’était pas présent au dernier sommet de l’Union africaine, du 9 au 16 juillet à Addis-Abeba, et aussitôt la rumeur s’est emballée. Le Premier ministre éthiopien était-il atteint d’un cancer du cerveau ? D’une leucémie ? De problèmes d’estomac ? Était-il soigné en Belgique ? Sans parvenir à dissiper le brouillard entourant l’état de santé de Mélès Zenawi, le porte-parole du gouvernement, Bereket Simon, a déclaré, le 19 juillet, que « les médecins lui ont donné le traitement médical nécessaire et [que], à ce stade, sa santé est très bonne et stable ». Quant à savoir où se trouve l’homme fort du pays, au pouvoir depuis plus de vingt et un ans, et de quoi il souffre… « Ce n’est pas un cancer du cerveau, ce n’est rien de tout ce que les détracteurs disent. »

Si les spéculations vont bon train, c’est que Mélès Zenawi incarne l’Éthiopie depuis que, à la tête du Front révolutionnaire et démocratique du peuple éthiopien (EPRDF), ce Tigréen a mis fin, en 1991, au régime sanglant de Mengistu Haïlé Mariam. Passé brièvement sur les bancs de la faculté de médecine, Legesse Zenawi est devenu Mélès en hommage à un étudiant exécuté par la junte militaire connue sous le nom de Derg. Comme l’avait fait quelques années plus tôt Yoweri Museveni en Ouganda, le nouveau président de l’Éthiopie – il deviendra Premier ministre en 1995 après la mise en place d’une nouvelle Constitution fondée sur le fédéralisme ethnique – abandonne les oripeaux du marxisme-léninisme pour se convertir au libre-échange.

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Réussite économique indéniable

La période de stabilité ne dure pas. La guerre avec l’Érythrée d’Issayas Afewerki, ancien compagnon de lutte, éclate en 1998. Mais Mélès Zenawi sait faire de l’adversité un atout. Face à Asmara comme face aux rebelles du Front national de libération de l’Ogaden ou du Front de libération oromo, il apparaît comme un indispensable ciment. Mieux, le contexte régional troublé – chaos somalien, tensions soudanaises, terrorisme islamiste – fait de lui un allié indispensable des États-Unis. Loué par le président Bill Clinton, il est un exemple de cette « nouvelle génération de dirigeants africains » dont la réussite est, sur le plan économique, indéniable. 

Pourtant, les trop longues années passées dans les plus hautes sphères de l’État ont tendance à user les bonnes résolutions. En 2005, la percée électorale de la Coalition pour l’unité et la démocratie (CUD) dans les villes entraîne de violentes manifestations au cours desquelles les forces de l’ordre tuent quelque 200 personnes. Restriction des libertés publiques, encadrement sévère des journalistes et des ONG… Le « parti de l’abeille » de Zenawi s’impose sans composer et remporte les élections législatives de 2010 avec 99 % des suffrages. L’opposition, à l’exemple de sa représentante Birtukan Mideksa, se terre, se tait ou s’exile. La contrainte est feutrée, mais efficace. Ainsi, au téléphone, la santé du Premier ministre n’est pas un sujet que l’on aborde.

L’appel d’air créé par le vide porte en lui des ferments de tempête.

Gebre-Christos en embuscade

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Et pourtant ! Comme dans tous les pays portés par un homme charismatique, la question de la succession est sensible : l’appel d’air créé par le vide porte en lui des ferments de tempête. Qui remplacera Zenawi si son absence vient à se prolonger ? L’article 75 de la Constitution stipule que c’est le vice-Premier ministre. C’est d’ailleurs actuellement ce qui se passe, puisque l’ancien président de la région des Nations du Sud, Haïlemariam Desalegn, nommé à ce poste en 2010, a endossé le rôle. Mais à Addis-Abeba, il se murmure que le bureau du Front de libération du peuple tigréen (TPLF, composante de l’EPRDF, dont Zenawi est issu) chercherait à conserver le pouvoir, ouvertement ou en sous-main. Son homme serait le secrétaire d’État aux Affaires étrangères, Berhane Gebre-Christos, un proche de Zenawi depuis la guérilla contre le Derg. 

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