Tirailleurs : un film, un minimum vieillesse et une statue ?
L’actualité française projette la lumière sur les tirailleurs dits sénégalais, entre décision gouvernementale, projection d’un long-métrage et revendication marseillaise…
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 6 janvier 2023 Lecture : 2 minutes.
Pour les centaines de milliers de soldats subsahariens qui combattirent sous les ordres du colon français –notamment lors des deux guerres mondiales–, l’après-conflit eut également un goût de parcours du combattant. C’est seulement cette année que les derniers vétérans obtiendront tout à la fois une jouissance optimale de leurs pensions et une reconnaissance nationale à la hauteur d’un sacrifice si peu valorisé.
Côté revenus, la disparité des pensions a longtemps été la règle, selon que l’ancien combattant concerné était français ou africain. Ce n’est qu’en 2006 que le président Jacques Chirac décida, près d’un demi-siècle après les indépendances, d’aligner la somme annuelle perçue par les seconds sur celle touchée par les premiers. Il devait en être de même pour le minimum vieillesse de 950 euros mensuels, non sans une petite contrainte : les bénéficiaires du revenu minimum accordé aux personnes de plus de 65 ans doivent résider en France au moins six mois dans l’année. L’État français vient enfin d’accorder à ses héros africains la possibilité de percevoir cette somme dans leur pays d’origine. De quoi nourrir quelques Cahiers d’un retour au pays natal.
Dupont et Demba
Côté reconnaissance, la mémoire de ces combattants d’Afrique est à l’affiche du long métrage Tirailleurs du cinéaste Mathieu Vadepied, ancien directeur photo du Burkinabè Idrissa Ouedraogo. Le film bénéficie de l’extrême popularité d’Omar Sy, comédien français aux origines sénégalaises et mauritaniennes, une star qui ne manque pas de susciter le buzz.
« Good buzz » avec son élection, fin décembre, au troisième rang du classement des personnalités préférées des Français. Buzz plus grinçant, largement alimenté par la fachosphère française, après une récente déclaration, pourtant indiscutable, adressée aux habitants de l’Hexagone : « Quand c’est en Afrique, vous êtes moins atteints » par les conflits.
Une autre actualité entend valoriser la mémoire des tirailleurs dans l’espace hexagonal : à Marseille, le consul du Sénégal, Abdourahmane Koïta, et diverses associations plaident pour que soit érigée une statue « symétrique » à celle des soldats « Dupont et Demba » de Dakar.
La dimension culturelle n’est pas que symbolique, en marge des questions de pensions. En 2006, c’est déjà un film qui avait fait bouger les lignes financières, Indigènes de Rachid Bouchareb, et son incarnation, le comédien Jamel Debbouze, lui aussi populaire comme Omar Sy. L’impact de la culture est d’autant moins anodin que celui des finances ne concernera qu’une quarantaine de vétérans recensés, anciens des conflits d’Algérie et d’Indochine, arborant tous un âge dépassant l’espérance de vie française. Peut-être les Français oublieront-ils moins le sacrifice des tirailleurs du Sénégal, de Guinée, du Burkina Faso ou du Mali. Mais les survivants n’oublient pas qu’il fallut tant d’années pour qu’advinrent des reconnaissances mémorielle et financière qui relevaient simplement du devoir d’égalité.
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