Union européenne : Londres prêt à jouer en solo
Face à la crise qui frappe la zone euro et à ses conséquences sur leur économie, les Britanniques se laissent de plus en plus séduire par les sirènes de l’euroscepticisme.
Le tête-à-tête de François Hollande avec la reine Élisabeth II, le mardi 10 juillet, n’y changera rien : le Royaume-Uni s’écarte inexorablement de l’Union européenne (UE). Au retour du sommet européen des 28 et 29 juin, le Premier ministre David Cameron avait trouvé une lettre d’une centaine de députés conservateurs demandant un référendum sur l’Europe avec comme question « faut-il ou non quitter l’UE ? »
Pas de jour sans qu’un eurosceptique n’enfonce le clou. « La vie hors de l’UE n’est pas terrorisante », clame Liam Fox, l’ancien ministre de la Défense. « Le rebond de l’économie britannique est tué dans l’oeuf par la crise qui est à nos portes », renchérit George Osborne, l’actuel chancelier de l’Échiquier.
Cet accès d’isolationnisme ne tient pas qu’à la mauvaise santé du continent, qui contaminerait l’économie britannique… même si celle-ci croît en ce moment moins vite que celle de ses partenaires européens. Les tabloïds d’outre-Manche tirent à boulets rouges sur une Europe qu’ils disent gaspiller l’argent du contribuable à force d’aider ses banques fautives… même si la Grande-Bretagne est, selon José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, le pays qui a – « de loin » – donné le plus à ses banques depuis 2008, avec 82,9 milliards d’euros versés.
Allergie
L’allergie britannique s’explique par un besoin viscéral de demeurer une île. Les Anglais n’aiment pas le tunnel sous la Manche, même s’ils en sont les premiers utilisateurs. Le gouvernement Cameron vient de décider d’équiper leurs futurs porte-avions de telle sorte que les avions de combat français et américains de l’Otan ne pourront s’y poser. Le renforcement de l’intégration européenne et l’union bancaire indispensables pour résister à la crise de la dette vont à l’encontre des principes britanniques condamnant tout fédéralisme.
Et puis, il y a des raisons électorales. Les intentions de vote en faveur des partis qui composent la coalition LibDems-Tories au pouvoir sont au plus bas pour cause d’austérité carabinée : 33 % pour les conservateurs et 10 % pour les libéraux démocrates, contre 42 % pour les travaillistes, ce qui donnerait à ceux-ci une majorité écrasante en cas de vote.
La droite conservatrice se souvient que le veto du Premier ministre britannique au sommet européen de décembre 2011 lui avait valu une remontée de sa cote de popularité. De là à se servir de l’Europe comme bouc émissaire, il n’y a qu’un pas que David Cameron hésite à franchir. Il tergiverse depuis quelques jours, s’attirant les foudres de l’eurosceptique Mark Pritchard, qui l’a baptisé « le roi de la débinade ».
Épouvantail
Cameron affirme qu’il soutient « l’adhésion du Royaume-Uni à l’Europe, le marché unique étant vital » pour le pays, mais que « le statu quo est inacceptable » et qu’il consultera les électeurs quand il en saura plus sur les orientations de l’UE. Il entend renégocier d’abord les liens de son pays avec celle-ci et rapatrier des compétences de Bruxelles à Londres.
En fait, il est coincé. L’épouvantail européen pourrait, certes, lui faire perdre les élections européennes de 2014, mais enclencher une sortie de l’UE serait périlleux. Les Écossais demanderaient illico leur indépendance pour demeurer dans l’Union. La City – qui déteste pourtant une réglementation européenne gênante pour ses affaires – sait que l’économiste vedette Niall Ferguson a raison quand il juge « difficile d’imaginer un Royaume-Uni florissant en centre offshore » et qu’un éclatement de la zone euro provoquerait « un choc bien plus important à Londres qu’à Berlin », 24 % des actifs des banques londoniennes étant en euros.
Mardi 10 juillet, en visite officielle à Downing Street, François Hollande a été habile d’abonder dans le sens d’un David Cameron en mal de politique européenne. « Nous devons concevoir l’Europe à plusieurs vitesses, a-t-il déclaré, chacun venant à son rythme, prenant ce qu’il veut dans l’Union, dans le respect des autres pays. » Autrement dit, si le Royaume-Uni veut jouer en solo et être la lanterne rouge, libre à lui : l’Europe ne l’attendra pas.
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