Tunisie : Ennahdha, un congrès pour l’Histoire
Très attendue et plusieurs fois reportée, la première réunion d’Ennahdha hors de la clandestinité a confirmé sa stratégie de parti de masse.
Pour son 9e congrès, et le premier tenu hors de la clandestinité, Ennahdha a fait la démonstration de sa puissance et de sa faculté d’organisation en accueillant près de 5 000 personnalités triées sur le volet, du 12 au 16 juillet, au palais des expositions du Kram (où Ben Ali tenait ses meetings). Les 1 103 congressistes avaient pour missions de définir l’orientation et la stratégie du parti, d’élaborer sa restructuration avec l’élection d’un nouveau bureau et la rédaction des statuts et du règlement intérieur. Mais le mouvement, dont le nom signifie « renaissance » en arabe, voulait aussi visiblement marquer les esprits et s’adresser à une opinion inquiète du contexte politique et économique tendu.
Entre hommages divers et retour sur le passé du parti, les psalmodies du Coran ont fait oublier l’hymne national. Rached Ghannouchi, président d’Ennahdha, est apparu comme un chef spirituel dont on baise le front en signe de respect et de loyauté. Son discours, appelant au consensus national, traduisait cependant les difficultés rencontrées par le parti dans l’exercice du pouvoir. De son côté, Mustapha Ben Jaafar, secrétaire général du parti Ettakatol – allié d’Ennahdha, avec le Congrès pour la République (CPR), dans la troïka gouvernementale -, a souligné sa proximité avec la formation islamiste tout en réaffirmant son attachement au régime républicain.
Quant à Hamadi Jebali, chef du gouvernement et secrétaire général d’Ennahdha, il s’est empressé d’affirmer que « les ambitions démocratiques de la Tunisie ne sont pas en contradiction avec les valeurs de l’islam et son ancrage culturel dans l’identité arabo-islamique ». Il s’est aussi élevé, sans le nommer, contre Nida’ Tounès (« L’Appel de la Tunisie »), parti de l’ancien Premier ministre Béji Caïd Essebsi, en lançant que « l’avenir de la démocratie dépend de l’éradication de la contre-révolution dont les membres tentent de se rassembler pour revenir sur le devant de la scène ». Toutefois, la portée de ses propos a été réduite par un malencontreux lapsus. « Nous allons bâtir une dictature », a-t-il dit en lieu et place du terme « démocratie ».
Position moderée
Le consensus défendu publiquement a montré ses limites lors du congrès. L’absence du président de la République, Moncef Marzouki, et celle de la plupart des leaders politiques tunisiens (dont ceux du CPR) ont été remarquées. Tout comme les divisions entre les différents courants qui traversent Ennahdha. Les radicaux, Sadok Chourou et Habib Ellouze, ont été tenus à l’écart alors qu’Abdelfattah Mourou, cofondateur du parti qui avait été pendant un temps tenu à distance, a bénéficié d’un retour en grâce. Une manière de dire que le parti entend poursuivre son projet de société tout en dénonçant les risques de dérive autoritaire.
Si cette position modérée peut lui éviter d’être pointé du doigt, certaines de ses amitiés internationales dérangent. Khaled Mechaal, chef du bureau politique du Hamas, a été largement ovationné, amenant plusieurs représentants occidentaux à quitter les lieux en signe de réprobation. Ennahdha sort néanmoins restructurée et légitimée de son congrès, et s’affirme comme un élément incontournable de la vie politique tunisienne. Elle entend s’inscrire dans la durée, sans toutefois spécifier sa conception de la démocratie. On attend d’ailleurs encore avec impatience d’en savoir plus sur les motions qui ont été adoptées et qui permettront d’y voir plus clair sur la ligne politique du parti. Mais pour les Tunisiens, il s’agit aussi de savoir qui sera en mesure de faire le poids face à lui.
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