Syrie : Manaf Tlass, le général qui sort des rangs
La défection de Manaf Tlass est un coup dur pour Damas. Même si ce membre du premier cercle du régime syrien n’a pour le moment pas refait surface.
Au moment où se tenait la 3e réunion du groupe des Amis du peuple syrien, le 6 juillet, à Paris, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, confirmait la défection du général Manaf Tlass. Un coup dur pour le régime de Damas, si l’on en croit les premiers commentaires émanant des chancelleries occidentales. Accueilli en Turquie par des hommes de confiance, Tlass était, au départ, annoncé « en route pour Paris ». Mais une semaine plus tard, son arrivée n’était toujours pas confirmée, et l’homme n’a pas refait surface. A-t-il rejoint l’Armée syrienne libre (ASL) ou le Conseil national syrien (CNS, coalition d’opposition) ? Impossible de le vérifier.
« Je sais qu’il y a une proximité entre l’opposition et ce général. […] Des contacts ont été pris en ce sens », a déclaré, le 12 juillet, Laurent Fabius, relançant ainsi les spéculations. Ce n’est pas la première fois que Tlass fait parler de lui. En mars dernier, la rumeur damascène évoquait déjà une défection en compagnie d’une vingtaine de ses officiers. Isolé depuis des mois parce qu’il aurait refusé de mener l’assaut contre le quartier rebelle de Baba Amr, à Homs, pilonné par l’armée en février, le général aurait, selon l’AFP, « troqué son uniforme pour des habits civils » et se serait « installé à Damas, où il [se serait] laissé pousser les cheveux et la barbe ».
Fils d’une famille de notables sunnites
Bel homme, amateur de voitures de luxe, de cigares et de la Côte d’Azur, Manaf Tlass est un pur produit de la haute société damascène. Son père, Mustafa, a été ministre de la Défense de 1972 à 2004. Allié solide de Hafez al-Assad, il a été l’un des rares rescapés de la « direction militaire » du parti Baas, qui l’avait porté au pouvoir en 1970. Originaire d’Al-Rastan, dans la région de Homs, Tlass est l’héritier d’une famille de notables sunnites, ce qui en faisait un quasi-intrus dans un système dominé par la communauté alaouite, à laquelle appartiennent les Assad.
Il aurait refusé de mener l’assaut à Homs. Depuis, il était isolé.
Les relations entre les deux familles puisent dans l’histoire des équilibres du pouvoir et des groupes confessionnels en Syrie. Une histoire qui n’empêche pas les défections. Firas Tlass, le frère aîné de Manaf, aurait aussi quitté le pays. Cet homme d’affaires, qui bénéficiait de marchés exclusifs de l’armée pour son entreprise MAS (acronyme de Min Ajl Suriyya, « Pour la Syrie »), se serait installé avec son père à Paris, après avoir exfiltré femme et enfants vers Dubaï. S’il gagne la France, Manaf Tlass pourra aussi compter sur le soutien de sa soeur Nahed, veuve d’Akram Ojjeh, un riche marchand d’armes saoudien. La table de cette figure des mondanités parisiennes a accueilli Nicolas Sarkozy, Roland Dumas, Franz-Olivier Giesbert ou Dominique Strauss-Kahn.
Corps d’élite
Membre du comité central du Baas depuis 2000, Manaf Tlass était très proche de Bassel al-Assad, l’héritier désigné de Hafez. Ils ont suivi ensemble une formation militaire à l’Académie de Homs. Après l’accident de voiture qui a coûté la vie à Bassel en 1994, Manaf a poursuivi sa carrière militaire, pour devenir le chef de la brigade 105 de la garde républicaine. Ce corps d’élite de l’armée syrienne est dirigé par Maher, le cadet de Bachar, architecte de l’option sécuritaire depuis le déclenchement de l’insurrection en mars 2011. Tlass aurait défendu une autre approche, et certains datent son divorce d’avec le régime de la répression sanglante qui s’est abattue sur sa région natale de Homs. On lui prêtait aussi de grandes ambitions : chef d’état-major, ministre de la Défense… Mais celles-ci ont été déçues par les promotions de début juillet.
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