Bisbilles burundaises
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Tshitenge Lubabu M.K.
Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.
Publié le 20 juillet 2012 Lecture : 4 minutes.
Mis à jour le 23/07/2012 à 10h15 (voir le droit de réponse ci-dessous)
Le 2 juillet, Bujumbura, la capitale du Burundi, à l’instar de l’ensemble du pays, était sur son trente et un. Cinquantième anniversaire de l’indépendance oblige. À cette occasion, un défilé monstre et élastique a été organisé sur le bien nommé boulevard de l’Indépendance. On a vu évoluer tout ce que le pays compte de forces vives : du fonctionnaire au militaire, de l’association des paralytiques à celle des boiteux, de l’acrobate au chausseur de rollers. Le spectacle de parachutistes descendant du ciel a impressionné l’assistance, même si l’un d’eux est tombé dans un arbre, provoquant la frayeur du public. Outre le prince héritier du royaume de Belgique et la princesse, six chefs d’État avaient répondu à l’invitation de Pierre Nkurunziza, le président burundais. Ils avaient des écouteurs vissés aux oreilles pour suivre la traduction des commentaires en kirundi. Plus le temps passait, plus le Kényan Mwai Kibaki somnolait, tandis que la princesse belge ne cessait de s’éventer. Plusieurs heures plus tard, le Congolais Joseph Kabila, l’équato-Guinéen Teodoro Obiang Nguema et le Centrafricain François Bozizé sont partis directement du boulevard de l’Indépendance pour l’aéroport. « Le ventre creux », dit-on.
Si j’ai suivi d’un oeil distrait ce défilé qui semblait sans fin, une polémique a bien retenu mon attention. Elle porte sur le buste du prince Louis Rwagasore, premier Premier ministre du pays assassiné, en 1961, dans un hôtel de Bujumbura par… un ressortissant grec ! Vous y comprenez quelque chose ? Rwagasore fut un personnage consensuel. C’est le héros national. La polémique est née du fait que la statue érigée dans un jardin public du centre-ville ne lui ressemble pas, selon ses admirateurs et ses contemporains ! L’Union pour le progrès national (Uprona), le parti fondé par Rwagasore, est montée au créneau pour dénoncer cette profanation (sic). Et d’accuser le camp présidentiel de s’être livré à un véritable sabotage. Ce que les accusés réfutent la main sur le coeur, bien entendu.
Monuments chinois
Pourquoi cette polémique ? Aussi étrange que cela puisse paraître, la réalisation de la statue de Rwagasore a été confiée à un artiste… chinois. Les mécontents affirment que le prince est représenté sous des traits chinois. Ils ont estimé que cette oeuvre ne méritait pas d’être montrée au public. Naïvement, j’ai demandé à quelques Burundais si le pays ne compte pas de sculpteurs. Ceux qui défendent le gouvernement m’ont dit : « Aucun. » Quant aux opposants, ils restent catégoriques : « Beaucoup. » Je signale que le Burundi n’est pas le premier pays africain à confier la réalisation de ses monuments à des Chinois et des Nord-Coréens anonymes. À quoi servent alors les artistes nationaux s’ils n’ont pas l’occasion de participer à l’édification de leur propre histoire ?
En attendant la réponse, je suis repassé dans le centre-ville de Bujumbura, devant le buste de Rwagasore. Ô surprise : il est désormais recouvert d’un morceau de tissu clair ! En attendant. Cette polémique n’est pas la première. Il n’y a pas longtemps, une statue représentant l’ancien président Melchior Ndadaye, assassiné en 1993, a été installée, encore par des Chinois, non loin de la place où se trouve aujourd’hui celle de Rwagasore. Verdict de ses fidèles et de son parti, le Front pour la démocratie au Burundi (Frodebu) : méconnaissable, scandaleux ! Le buste est toujours là. Dévoilé.
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Droit de réponse :
Un para, deux bustes et une princesse…
Nous avons été étonnés par le « Post-scriptum » intitulé « Bisbilles burundaises » de Tshitenge Lubabu M.K. paru dans les colonnes de Jeune Afrique à propos des célébrations du 2 juillet.
L’auteur parle d’« un parachutiste tombé dans un arbre, provoquant la frayeur du public ». S’il est vrai qu’un parachutiste a frôlé un arbre avant d’atterrir, ce fait n’a pas du tout provoqué la frayeur de l’assistance. Le public en a ri et les images le prouvent.
L’auteur parle des chefs d’État partis « le ventre creux ». Les cérémonies ont été sanctionnées par un cocktail offert par le président de la République aux hôtes de marque. Tous les chefs d’État y étaient conviés, mais ils se réservaient la liberté de s’y rendre ou pas selon leurs programmes.
L’auteur parle de deux bustes confectionnés par les Chinois qui ont créé de la « polémique » à Bujumbura. S’il est vrai que l’un des deux bustes, celui du héros de l’indépendance, Louis Rwagasore, a été confectionné par un sculpteur chinois, le résultat peut ne pas faire l’unanimité. Des propositions de retouche ont été faites, et le travail se poursuit. Dans les deux cas, le gouvernement se réserve le droit d’accepter ou de rejeter avant la réception officielle. […]
L’auteur parle, avec un air irrespectueux, d’un président qui somnolait, d’une princesse qui s’éventait et d’un défilé long. D’emblée, il sied de dire qu’il n’y a pas de format conseillé pour ce genre de festivités. Comment un journaliste qui suivait « d’un œil distrait » ce défilé aurait pu voir des gens qui somnolaient ?
Gervais Abayeho, conseiller principal médias et communication, présidence de la République, Bujumbura, Burundi
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