États-Unis : la vie de Barack Obama est un roman

Trois ouvrages parus récemment apportent des informations et un éclairage nouveaux sur les années de formation de Barack Obama. Et sur le couple qu’il forme avec Michelle à la Maison Blanche.

Pendant un discours au département d’État, en mai 2011. © Chip Somodevilla/Newscom/SIPA

Pendant un discours au département d’État, en mai 2011. © Chip Somodevilla/Newscom/SIPA

Publié le 11 juillet 2012 Lecture : 4 minutes.

Prix Pulitzer et auteur d’une biographie de Bill Clinton qui rencontra un vif succès (First in His Class, 1995), le journaliste David Maraniss était attendu au tournant avec son Barack Obama : The Story (« Barack Obama, la vraie histoire »). D’emblée, il cite William Faulkner : « Le passé n’est pas mort. En réalité, il n’est même pas passé. » Ce n’est que 167 pages plus loin que nous en arrivons à la naissance du futur président des États-Unis. L’histoire familiale compte énormément dans ce genre d’ouvrage ; dans celui de Maraniss, ces racines plongent loin dans le temps. Ses portraits des aïeux et des parents du président sont souvent émouvants. Pourtant, en abandonnant son héros au moment où il entre à la Harvard Law School, à l’âge de 27 ans, Maraniss laisse le lecteur sur sa faim. On aurait préféré qu’il s’arrête lorsque Obama fut le premier Africain-Américain à être élu rédacteur en chef de la Harvard Law Review, une distinction qui le fit accéder à la notoriété.

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Barack Obama: The Story, de David Maraniss, Simon & Schuster, 672 pages, 32.50 dollars

Et puis on vibre beaucoup moins avec son Obama qu’avec son livre précédent, pour des raisons qui tiennent à la personnalité de son modèle. Clinton était programmé pour être président. Partout où il est passé, il a marqué ceux qui l’ont côtoyé. Il était affectivement dépendant des autres. Obama, au contraire, ne se livre jamais et a une volonté de fer. En outre, il a déjà publié ses propres Mémoires, Les Rêves de mon père, qui couvrent à peu près les années évoquées par Maraniss.

Le journaliste n’en a pas moins écrit un livre passionnant, où l’on ne perd jamais de vue l’importance de la double appartenance raciale d’Obama dans la formation de sa personnalité. Ce que le président a d’ailleurs confirmé à son biographe : « Ma vie n’a de sens que si, au-delà de nos différences de culture, de race, de religion ou d’appartenance communautaire, nous avons des points communs et que nous sommes capables de surmonter ces différences. »

Barry l’Hawaiien

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Les passages les plus intéressants sont ceux où Maraniss prend la mémoire autobiographique d’Obama en défaut. Par exemple, quand il fusionne plusieurs personnages en un seul – comme ses petites amies de New York et de Chicago. L’auteur démystifie les souvenirs d’un Obama qui, à 3 ans et demi, aurait donné des conseils à sa mère désireuse de se remarier avec l’Indonésien Lolo Soetero : « Je lui demandais si elle l’aimait. J’avais suffisamment fait le tour de la question pour savoir à quel point cet aspect-là est important », écrit Obama. « C’était un enfant précoce, doué d’une sensibilité et d’un vocabulaire exceptionnels pour son âge ! » ironise Maraniss. Cela dit, l’auteur est trop subtil pour accorder à ces contradictions plus d’importance qu’elles n’en ont, et il se montre plutôt en sympathie avec son modèle.

La personnalité d’Obama se structure vraiment lorsqu’il entre à l’Occidental College. « Barry » l’Hawaiien devient « Barack », ce qui n’empêche pas ses camarades africains-américains de le considérer comme un Oreo (noir à l’extérieur, blanc à l’intérieur). Quand il quitte Los Angeles pour New York, il est devenu introverti et solitaire. La plupart de ses condisciples de l’université Columbia n’ont aucun souvenir de lui. Certains se rappellent qu’il avait coutume de mettre fin aux disputes en disant que « la vérité se situe souvent dans un entredeux ». Ce n’est pas un hasard si Les Rêves de mon père devaient initialement s’intituler Journeys in Black and White (« Itinéraires en noir et blanc »).

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Susceptible

À mille lieues de cet ouvrage, Jodi Kantor offre dans The Obamas un récit très vivant de la vie du couple présidentiel. Autant Maraniss est précis dans ses sources et se pose des questions, autant Kantor se montre parfois partiale. Son livre fait toutefois ressortir le même portrait d’Obama et révèle de nouvelles facettes de sa personnalité, comme son intolérance à la critique. Ainsi, peu après qu’il a nommé le bouillant Rahm Emanuel chef de cabinet de la Maison Blanche, son vieil ami Christopher Edley, doyen de la faculté de droit de l’Université de Californie, à Berkeley, lui téléphone pour lui conseiller de revenir sur cette décision. « Ils ne se sont plus jamais parlé », écrit Kantor.

The Obamas, de Jodi Kantor, Little, Brown & Co., 368 pages, 29.99 dollars

Presque chaque soir, raconte-t-elle, Obama dîne en famille dans les appartements privés de la Maison Blanche. Ensuite, il travaille généralement seul et s’informe sur internet, décrochant rarement son téléphone pour appeler ses conseillers ou des chefs d’État alliés. La vie sociale des Obama se limite à la fréquentation de leurs intimes : Valerie Jarrett, conseillère à la Maison Blanche, les Whitaker et les Nesbitt – tous originaires de Chicago. Le couple présidentiel, affirme Kantor, ne s’est pas fait un seul ami à Washington et vit dans un cocon. C’est Michelle qui explique à Obama ce que pense l’Amérique profonde, souligne Kantor. On aimerait espérer qu’elle n’est pas la seule, mais il semblerait que si ! « Les Obama ont encore restreint leur minuscule cercle d’amis. Ils sont plus qu’introvertis », écrit-elle.

On peut essayer de percer la cuirasse en lisant And Then Life Happens, les souvenirs d’Auma Obama, la demi-soeur kényane de Barack. Ce livre destiné aux obamaniaques a pour principale raison d’être le nom de son auteure. Auma n’a rencontré Barack qu’en de rares occasions – même si deux d’entre elles ont été riches en émotions. C’est elle qui lui a fait découvrir le Kenya, et le président l’aime au point d’avoir invité sa famille à ses frais pour assister à son investiture de sénateur, puis de président.

And Then Life Happens: A Memoir, d’Auma Obama, St. Martin’s Press, 352 pages, 25.99 dollars

Des milliers de pages sont – et seront – consacrées à cet homme insaisissable, des réflexions passionnantes comme celles de Maraniss ou des échos indiscrets comme ceux de Kantor. Mais aucun de ces livres n’aura la saveur de celui que le président publiera sans doute dans quelques années. Après tout, celui qui écrit le mieux sur Obama est… Obama lui-même !

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