Mali : à Dakar, ATT se tait et se terre
Pas un mot, pas une déclaration officielle. Réfugié à Dakar depuis le 20 avril, l’ancien président malien, Amadou Toumani Touré, fait profil bas. La situation dans son pays, il la suit de près mais refuse de la commenter.
Il suit avec attention les soubresauts de l’actualité malienne. Les querelles politiciennes qui paralysent Bamako, le contre-coup d’État manqué, la destruction des mausolées de Tombouctou par les islamistes qui occupent la moitié nord du pays, les sommets régionaux… À Dakar, où il a trouvé refuge, l’ancien président Amadou Toumani Touré (ATT) vit encore au rythme de ce pays qui n’a plus voulu de lui, mais refuse de s’exprimer publiquement. Pas un mot, pas une déclaration à la presse depuis qu’il a pris ses quartiers au Plateau. « Au Mali, justifie l’un de ses proches, il est de coutume que les anciens présidents s’astreignent à la plus grande réserve. » Surtout, ses anciens pairs lui ont conseillé de garder le silence pour ne pas aggraver une situation déjà inextricable. « Mais a-t-il vraiment envie de s’en mêler ? s’interroge un diplomate ouest-africain. Ce n’est pas sûr. ATT a vécu une période très difficile, et il cherche avant tout à regagner des forces. »
Il est vrai que son arrivée dans la capitale sénégalaise, le 20 avril, presque un mois jour pour jour après le coup d’État militaire qui l’a renversé, a été le point d’orgue d’un long mois de stress. Dépêché à Bamako par son président, Macky Sall, Alioune Badara Cissé, le ministre sénégalais des Affaires étrangères, a failli repartir seul : les militaires ralliés aux putschistes qui étaient en poste à l’aéroport Bamako-Sénou ont envahi le tarmac pour empêcher le départ d’ATT et tiré quelques coups de feu en l’air. Au camp de Kati, QG de la junte, son chef, le capitaine Amadou Haya Sanogo, enrageait de ne pas avoir été prévenu de ce départ. Il a fallu deux heures de négociations et l’intervention du Premier ministre, Cheick Modibo Diarra, nommé trois jours plus tôt, pour débloquer la situation.
Hôtes de marque de l’État sénégalais
Aujourd’hui, tout cela paraît bien loin. Avec son épouse, Lobbo Touré, ses filles Fanta et Mabo, ses gendres et ses cinq petits-enfants, ATT s’est installé à la Résidence Pasteur, réservée aux hôtes de marque de l’État sénégalais. « Un arrangement provisoire », déclare-t-on dans l’entourage du président Macky Sall. Confortable, la villa est située non loin de l’ancien palais de justice de Dakar et de la prison centrale de Rebeus, et a une vue imprenable sur l’océan et l’île de Gorée… « Le hasard a parfois le sens de l’humour », fait remarquer un journaliste de la place.
Passé les premières semaines d’amertume et d’abattement, l’ancien président s’est ressaisi. Il est fatigué, reconnaît-on dans son entourage, mais pas malade : un court séjour médical à Monaco, début juin, l’a remis d’aplomb. « Il a repris le sport, il fait de la marche, son genou va mieux », ajoute l’un de ses proches. Il a pris plaisir à regarder les matchs de l’Euro 2012, avec ses gendres. Et il tient salon : le 25 juin, c’est son « ami » et ancien président nigérian Olusegun Obasanjo qui lui a rendu visite. Il a aussi reçu ses anciens collaborateurs : l’ex-ministre de l’Équipement et des Transports Hamed Diané Séméga, celui de l’Artisanat et du Tourisme Mohamed el-Moctar, et Hamane Niang, autrefois chargé de la Culture… Tous sont installés à Dakar… L’ancien président a reçu aussi la visite de certains de ses amis sénégalais, dont l’ex-journaliste et actuel conseiller en communication de Macky Sall, El Hadj Kassé, auteur d’un ouvrage intitulé Le Style ATT, paru aux éditions Panafrika en 2010. ATT songe lui-même à écrire sur ses dernières semaines au pouvoir.
A-t-il demandé l’asile politique au Sénégal ? « La question n’est pas à l’ordre du jour », élude-t-on dans l’entourage du président Sall. Mais pour l’un de ses anciens conseillers, c’est impensable. « Le Mali est son pays, martèle-t-il. Peut-il en vivre éloigné pendant longtemps ? Je ne le pense pas. »
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Par Nicolas Ly à Dakar, avec Malika Groga-Bada
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