Algérie : un miracle permanent
1962-2012 : le vrai bilan de l’Algérie indépendante
Les Algériens en sont les premiers surpris. Comment leur pays, caractérisé par une gouvernance jugée approximative, où le mérite se mesure souvent à l’aune de l’allégeance plutôt qu’à celle de la compétence, où les rivalités ont abouti à la marginalisation de l’élite, à l’élimination de ceux qui ont conçu et dirigé la lutte de libération, un pays dont le parcours a été marqué par des conflits fratricides, une succession de tragédies nationales, de deuils collectifs et de catastrophes naturelles, sans compter une multiplicité d’émeutes qui, heureusement, n’aboutissent jamais à l’implosion ou à des drames… Comment un tel pays peut-il encore tenir debout ? « L’Algérie est un miracle au quotidien », répond un ancien bâtonnier de la capitale. Une formule qui résume le sentiment général au pays du « million et demi de martyrs ».
Certains analystes en sont convaincus, l’implosion de l’Algérie est imminente. Ceux qui, au début de ce millénaire, la classaient parmi les États en faillite ne sont jamais fatigués d’avoir tort. Une décennie auparavant, ils avaient prophétisé la dissolution de la République démocratique et populaire dans le premier califat islamique des temps modernes.
Quelques années plus tard, ils sont revenus à la charge. Cette fois-ci, ils ont affirmé, condescendants, qu’elle sera à coup sûr la prochaine terre où souffleront les vents révolutionnaires du Printemps arabe. Juste après la Tunisie. Ils se sont ensuite ravisés pour déclarer qu’elle tomberait après la démission du raïs égyptien, Hosni Moubarak. Des « experts » syriens ont même osé annoncer sur la chaîne de télévision qatarie Al-Jazira, boîte de résonance des révolutions arabes, la chute de la maison Bouteflika. Pari perdu.
L’Algérie n’est pas la maison Bouteflika et si, à la fin du siècle dernier, le système est parvenu à sauver la République des coups de boutoir de l’islamisme armé, dans sa forme la plus barbare, ce n’est pas dû à sa seule solidité. L’armée algérienne a certes défait militairement les nihilistes des GIA, GSPC et autres Aqmi, mais c’est le peuple qui, à mains nues, a fait échouer cette tentative de « régression féconde » en refusant de donner sa caution aux maquisards de la République islamique, alors qu’il a soutenu sans réserve ceux de la guerre de libération.
« Un seul héros : le peuple. » C’est avec ce slogan que les populations des villes et des villages sont parvenues, en investissant la rue, à mettre fin à la guerre de leadership au cours de l’été 1962. Ce slogan est toujours de mise pour la bataille du développement.
Si ces dix dernières années ont vu un mouvement de modernisation sans précédent de l’Algérie, le mérite en revient autant à ses dirigeants, qui répartissent mieux qu’on ne le pense la manne pétrolière, qu’à ces millions d’anonymes qui travaillent dans les chantiers du développement.
Le secret de ce miracle permanent ? Les épreuves, nombreuses et toujours surmontées, rendent plus fort…
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